Jusqu’où Netanyahu peut-il aller avant de revenir à la raison ?
Le temps est venu de mettre fin au blitz législatif visant à atteindre tant d'objectifs désastreux sous prétexte que le système judiciaire israélien devrait être réformé
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Nos ennemis extérieurs doivent se frotter les yeux d’incrédulité, stupéfaits de leur bonne étoile.
Avant même sa fondation, le minuscule État d’Israël a réussi à repousser les guerres conventionnelles qui visaient à l’anéantir. Il a résisté à des décennies de terrorisme – notamment à la vague d’attentats suicides incessants durant la Seconde Intifada. Alors que le [groupe terroriste palestinien du] Hamas a détourné toutes les ressources disponibles à Gaza pour développer ses capacités en matière de roquettes au sud et que le [groupe terroriste chiite libanais du] Hezbollah a accumulé un arsenal de roquettes à six chiffres à la frontière nord, Israël a conçu et constamment amélioré le [système de défense aérienne] Dôme de fer et un éventail d’autres systèmes de défense anti-missiles et anti-roquettes. Alors que l’Iran se rapprochait de l’arme nucléaire, Israël l’a fait reculer et, selon les termes du précédent chef d’état-major de Tsahal [Aviv Kohavi], « s’est vigoureusement préparé à une attaque contre l’Iran » si le besoin s’en faisait sentir.
Aujourd’hui, sous la coalition de droite radicale du Premier ministre Benjamin Netanyahu, dans laquelle les partis d’extrême-droite donnent de plus en plus le ton et l’ordre du jour, la dernière sphère vitale de consensus d’Israël – l’establishment de la Défense qui agit, et doit agir, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour assurer la sécurité du pays – a été aspirée dans la tornade destructrice de notre politique.
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Fin mars, alors que la coalition était sur le point d’adopter une loi visant à contrôler la nomination des juges israéliens, le ministre de la Défense de Netanyahu, Yoav Gallant, a lancé un avertissement retentissant. « Les événements qui sont en train de se dérouler et les problèmes qu’il y a au sein de la société israélienne n’épargnent pas l’armée israélienne. Un sentiment sans précédent de colère, de souffrance et de déception émerge de toute part. Et je ne peux que constater la source de notre force s’éroder (…) »
« Le fossé qui se creuse au sein de notre société pénètre au sein de Tsahal et des agences de sécurité nationales. Ce qui représente une menace claire, immédiate et tangible pour la sécurité de l’État. »
Plutôt que d’écouter l’appel de Gallant et d’arrêter le blitz législatif, Netanyahu a tout d’abord licencié Gallant. Mais les protestations publiques de masse combinées aux inquiétudes naissantes de certains membres de sa coalition l’ont forcé à revoir sa position, à mettre temporairement un terme à la guerre juridique contre la démocratie et à annuler le limogeage de son ministre de la Défense.
Moins de cinq mois plus tard, la situation contre laquelle Gallant avait mis en garde prend forme sous nos yeux. Des milliers de réservistes militaires qui ont juré de ne plus se présenter au service volontaire dans un Israël qu’ils considèrent comme subissant une sorte de coup d’État constitutionnel, dans lequel la première mesure de la refonte judiciaire a été promulguée, dont le Premier ministre refuse de dire s’il compte se conformer à une éventuelle décision de la Haute Cour de l’annuler, et où le projet de loi visant à donner à la coalition une autorité quasi-totale sur la nomination des juges du pays devrait être adopté lors de la prochaine session de la Knesset.
Certains réservistes ont commencé à mettre leurs menaces à exécution, le porte-parole de Tsahal [le contre-amiral Daniel Hagari] reconnaissant mardi que « l’état de préparation » de l’armée israélienne – une « armée du peuple » qui dépend fortement de ses réservistes – a déjà été affecté, en particulier dans l’armée de l’air israélienne.
Alors que Netanyahu diabolise depuis des années ses opposants politiques, les médias, la police et le ministère public en les qualifiant de dangereux gauchistes qui menacent le bien-être de l’État, les membres de son irresponsable coalition se sont mis à fustiger des personnalités de haut rang de Tsahal et de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet en les qualifiant eux aussi de gauchistes destructeurs. Yehuda Fox, le général qui supervise la Cisjordanie, est accusé de n’avoir pas su mettre un terme au terrorisme palestinien, d’avoir « délibérément » mis en danger la vie des résidents d’implantations israéliens de Cisjordanie, et d’avoir ostensiblement « donné la priorité » au bien-être des Palestiniens. Ronen Bar, le chef du Shin Bet, est attaqué pour avoir averti Netanyahu que le terrorisme juif des résidents d’implantations extrémistes contre les Palestiniens en Cisjordanie alimentait le terrorisme palestinien.
Tally Gotliv (Likud) a jugé que « les idées de gauche ont atteint le sommet » du Shin Bet » et que « l’État profond a atteint le sommet du Shin Bet et les dirigeants de Tsahal ».
Selon le résumé horrifiant de la députée Limor Son Har-Melech (Otzma Yehudit), les hauts fonctionnaires de la Défense ne savent pas « faire la distinction entre l’ennemi et leur propre peuple ».
Dans l’une de ses innombrables interviews accordées à la télévision américaine, Netanyahu a reconnu cette semaine qu’il ne pouvait pas contrôler ce que ses collègues d’extrême-droite choisissaient de dire ; il a toutefois contribué à négocier les accords de coalition qui ont permis à nombre d’entre eux d’entrer à la Knesset, et il a très certainement contrôlé leur accession à des postes de pouvoir, d’autorité et d’influence au sein du 37e gouvernement d’Israël.
Mais non seulement Netanyahu plaide l’impuissance face à l’incitation de ses collègues radicaux qu’il a habilités à se changer de l’essentiel de la sécurité d’Israël, mais il se montre également avare de paroles et quelque peu réfractaire dans la défense des protecteurs d’Israël.
Et loin d’être enclin à arrêter la guillotiné législative qui s’abat sur la démocratie israélienne, comme il l’a fait à contrecœur en mars, il émet au contraire des promesses manifestement creuses de recherche de compromis, tout en s’engageant à nouveau dans le processus législatif pour prendre le contrôle de la nomination des nouveaux juges.
La prochaine mesure du paquet de reformes radicales « portera probablement sur la composition de la commission qui élit les juges », a-t-il déclaré à Bloomberg cette semaine, avant d’ajouter, avec une candeur involontaire : « C’est essentiellement ce qui reste. »
Qu’est devenu Netanyahu, autrefois défenseur de l’indépendance de la justice ? Qu’est-il advenu d’un ancien militaire hors pair qui était pleinement conscient de la nécessité d’assurer la cohésion, le respect et la protection de l’establishment de la Défense contre la méchanceté et le radicalisme désinvoltes et l’étroitesse d’esprit qui passe pour de la politique ? Pourquoi a-t-il choisi de donner autant de pouvoir au sein de ce gouvernement à des messianistes dont les agendas incendiaires vont à l’encontre des intérêts les plus fondamentaux de l’État ? Et pourquoi fait-il preuve d’une telle faiblesse alors qu’ils poursuivent leurs objectifs ?
Nous avons cherché en vain des réponses adéquates à toutes ces questions pendant des semaines et des mois d’auto-destruction croissante. Mais comme la plupart des Israéliens reconnaissent que le pays est en état d’urgence, les réponses importent moins aujourd’hui que le simple impératif d’y mettre un terme. Mettre un terme à l’aggravation de la crise sociale et économique. Mettre un terme à l’élaboration de politiques racistes. Mettre un terme à la présentation fallacieuse d’un processus stratégique qui remodèlera la manière dont Israël est gouverné et modifiera son orientation et son éthique juives démocratiques et tolérantes. Mettre un terme à la législation unilatérale visant à atteindre cet objectif désastreux.
Il est tout aussi urgent de tenir compte des avertissements de l’establishment de la Défense, qui fait état d’un danger croissant en Cisjordanie et d’inquiétudes de plus en plus vives à la frontière nord. Et rétablir la cohésion dans les rangs de l’armée – si nécessaire en renvoyant les législateurs qui incitent à la violence contre les officiers et les chefs de la sécurité, et en rétablissant la confiance de l’establishment de la Défense dans ses maîtres politiques.
Nos ennemis ne doivent pas y croire – croire ce que nous nous faisons à nous-mêmes, croire que la source de notre force, notre force militaire existentielle, est en train d’être érodée de nos propres mains.
Si cela ne suffit pas à ramener Netanyahu à la raison, alors rien n’y fera.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel