La pugnacité du Hezbollah s’explique autrement que par la discorde en Israël
Nasrallah voit des opportunités de petits gains pendant que Jérusalem est distraite, mais il y a des forces plus importantes qui poussent le comportement agressif à la frontière

Israël est clairement alarmé par un changement avéré dans la position du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah le long de la frontière la plus inflammable du pays, au nord.
Mercredi dernier, le chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, et le président Isaac Herzog se sont rendus séparément à la frontière israélo-libanaise, cherchant tous deux à faire passer un message de fermeté face à l’armée chiite, nouvellement confiante et agressive.
Si les photos publiées par le bureau de Herzog – le président et la première dame souriant avec un groupe détendu de soldats et d’officiers, dont aucun n’est armé ou ne porte de gilet de combat – n’ajouteront pas grand-chose à la capacité de dissuasion d’Israël, les paroles de Herzog ont été d’une toute autre teneur.
« Je veux dire à nos ennemis – en particulier au Hezbollah de l’autre côté de la frontière – de ne pas faire d’erreur », a-t-il déclaré. « L’armée israélienne est forte, elle est unie. Elle est capable de protéger et de défendre notre souveraineté, ainsi que la sécurité et le bien-être du peuple d’Israël. C’est notre priorité absolue. »
Les photos de Halevi le long de la nouvelle barrière de sécurité israélienne le montrent quant à lui armé et lugubre, regardant vers le nord.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a également cherché à mettre en garde le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. « Il est préférable qu’il ne nous mette pas à l’épreuve », a-t-il déclaré après que Nasrallah eut menacé de répondre à tout « acte stupide » de la part d’Israël.

Enfin, dans une interview accordée dimanche à un site d’information arabe, le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen a averti Nasrallah « qu’Israël peut renvoyer le Liban à l’âge de pierre ».
L’effort concerté des Israéliens en matière de communication fait suite à une série de provocations de la part de la puissante milice soutenue par l’Iran.
Depuis le début du mois de juin, Israël cherche à faire retirer deux tentes installées par le Hezbollah dans la région contestée du mont Dov, également connue sous le nom de « Fermes de Chebaa », mais une seule a été enlevée jusqu’à présent, après qu’Israël eut envoyé un message au Hezbollah le menaçant d’une confrontation armée s’il ne retirait pas l’avant-poste. Nasrallah a déclaré que ses forces attaqueraient Israël s’il tentait de démanteler l’autre avant-poste.

En mars, un homme s’est infiltré depuis le Liban et a posé un explosif sur une autoroute dans le nord d’Israël, blessant grièvement un civil. Dans un discours télévisé, Nasrallah a déclaré que le Hezbollah ne commenterait pas l’attentat de Megiddo, qui est largement soupçonné d’avoir été orchestré par le groupe terroriste.
Au contraire, il a déclaré que l’attaque avait « troublé » Israël et que « notre silence fait partie de la bataille politique, médiatique, militaire et psychologique contre l’ennemi ».
Au cours de l’été, des politiciens libanais, des civils et des membres du Hezbollah ont également violé la Ligne bleue de démarcation de la frontière, ce qui a entraîné des tirs de semonce de la part de Tsahal.

Le Hezbollah tire également. Le 6 juillet, un missile anti-char a été tiré depuis le Liban sur le village contesté de Ghajar, sans faire de blessés. Le mois précédent, le Hezbollah a déclaré avoir abattu un drone israélien qui survolait un village du Sud-Liban.
En avril, des salves de dizaines de roquettes ont été tirées du Liban sur Israël, blessant trois personnes et endommageant des bâtiments. Bien qu’Israël ait imputé ces tirs de roquettes au groupe terroriste palestinien Hamas, ils ont été considérés comme ayant été effectués avec l’approbation tacite du Hezbollah.
Les protestations sont-elles synonymes de faiblesse ?
Des deux côtés de la frontière, les observateurs et les décideurs pointent du doigt l’âpreté de la lutte intérieure israélienne contre le programme de refonte judiciaire du gouvernement, qui sème la discorde, pour expliquer l’agressivité accrue du Hezbollah.
« Tout ce qui se passe en Israël ces derniers mois – la refonte judiciaire, les manifestations – est perçu par le Hezbollah comme une faiblesse, ce qui lui donne la possibilité d’en faire plus que par le passé et de changer les règles du jeu », a déclaré Orna Mizrahi, chercheuse principale à l’Institut d’études de sécurité nationale.

De hauts responsables des services de renseignement ont averti Netanyahu dans une série de lettres que les ennemis d’Israël, en particulier l’Iran et le Hezbollah, voient une occasion historique de modifier l’équilibre des forces dans la région en leur faveur, dans un contexte de divisions profondes et sans précédent au sein de la société israélienne en raison des projets de refonte, qu’ils interprètent comme de la faiblesse.
Au nord de la frontière, Nasrallah s’est réjoui à la fin du mois dernier, après l’adoption de la première loi sur la refonte judiciaire, que « la confiance, la conscience et la confiance en soi d’Israël se soient détériorées jusqu’à la crise qu’il connaît aujourd’hui ». Il a déclaré que les manifestations qui ont suivi le vote ont marqué le « pire » jour d’Israël depuis la création de l’État et que le pays était sur la « voie de la disparition ».
Une source libanaise a déclaré à Reuters que les plus hauts responsables du Hezbollah avaient discuté des bouleversements en Israël et prévoyaient d’exploiter la situation à l’avenir.
De hauts responsables iraniens de la sécurité et le groupe terroriste palestinien du Hamas ont également tenu une réunion à huis clos en juillet pour discuter d’une réponse aux troubles sociaux en Israël.

Cohen a directement abordé cette perception de la vulnérabilité israélienne dans son message adressé au Hezbollah dimanche.
« Ils pensent que ce qui se passe témoigne d’une quelconque faiblesse d’Israël, et ils se trompent », a-t-il déclaré. « Ces manifestations expriment la force et la cohésion de l’État israélien. Ils devraient savoir que le peuple juif s’est toujours distingué par ses débats internes, mais que dans l’épreuve, il est et reste uni. »
Selon Michael (Mike) Harari, ancien ambassadeur d’Israël à Chypre et membre de l’Institut Mitvim, l’agression du Hezbollah n’indique pas nécessairement qu’il souhaite une guerre avec Israël.
« L’idée est qu’Israël n’est pas assez faible pour entamer une guerre générale contre lui, mais qu’il est assez faible – ou qu’il se bat assez contre lui-même – pour éventuellement réaliser des gains tactiques », a-t-il déclaré.
Une série de facteurs
Mais les fissures internes d’Israël ne sont pas la seule raison qui pousse le Hezbollah à adopter une attitude agressive.

Un diplomate européen a souligné que la position du Hezbollah ne se résumait pas à la lutte contre la refonte du système judiciaire. « C’est une partie du tableau, mais ce n’est pas la totalité », a-t-il déclaré.
Il a indiqué que le Hezbollah avait lancé des drones sur le champ gazier israélien de Karish en juillet 2022 et menacé de lancer des attaques si Israël poursuivait l’extraction de gaz dans la zone contestée, ce qui a constitué le véritable tournant dans le comportement du Hezbollah.
Avec l’amélioration et l’expansion de l’arsenal du groupe terroriste, a déclaré Mizrahi, les dirigeants du Hezbollah ont le sentiment « qu’ils peuvent menacer davantage Israël ».
L’organisation continue d’accroître son stock de missiles, dont des munitions de précision. Le Hezbollah posséderait plus de 150 000 missiles, dont un nombre restreint, mais croissant, peut être guidé vers des sites spécifiques. Israël craint qu’au cours d’une future guerre, le groupe terroriste n’utilise un barrage de missiles de précision pour attaquer des installations sensibles et submerger son dispositif de défense aérienne.
Il y a aussi le facteur iranien.

Téhéran, qui a le vent (diplomatique) en poupe ces derniers temps, estime que le moment est opportun pour faire pression sur Israël.
En mars, l’Iran et l’Arabie saoudite ont annoncé le rétablissement de leurs ambassadeurs pour la première fois depuis sept ans. En mai, la Ligue arabe a voté en faveur de la réintégration de la Syrie, État client de Téhéran.
La Russie est également de plus en plus redevable à l’Iran, qui est devenu un fournisseur essentiel de drones et de missiles pour la guerre en Ukraine.
Aux yeux de l’Iran, le moment est venu d’obtenir une certaine dissuasion contre Israël, dont les attaques contre les forces iraniennes et leurs mandataires en Syrie ont empêché Téhéran de faire de la Syrie un autre front actif contre l’État juif.
La barrière de sécurité qu’Israël est en train de construire à la frontière contestée avec le Liban est également un élément contre lequel le Hezbollah estime devoir riposter.
« Ils y voient une provocation de la part d’Israël », a expliqué Mizrahi. « C’est un problème pour eux, car cela marque effectivement une frontière, et il y a des désaccords à ce sujet. »
Enfin, des pressions internes poussent le Hezbollah à affronter Israël à la frontière.

« Leur situation n’est pas très confortable sur la scène libanaise », a déclaré Harari, ancien ambassadeur d’Israël. « Ils ne parviennent pas à faire élire leur candidat à la présidence. »
En juin, les législateurs du Hezbollah se sont retirés du vote présidentiel au Parlement après que leur candidat préféré, Sleiman Frangié, descendant d’une famille politique proche de la dynastie el-Assad au pouvoir en Syrie, a été distancé par son principal rival.
En outre, en 2022, le camp du Hezbollah a perdu la majorité dont il jouissait au Parlement depuis 2018.
« Le système libanais est beaucoup plus critique à l’égard du Hezbollah », a déclaré Mizrahi. « L’un des intérêts du Hezbollah est de montrer qu’il est toujours pertinent dans le conflit avec Israël, qu’il opère toujours en tant que défenseur du Liban. »
« La carte de la résistance n’est pas mauvaise à jouer », a-t-elle ajouté, « tant qu’elle ne leur échappe pas ».
Emanuel Fabian a contribué à cet article.
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