Otzma Yehudit vote contre le budget de l’État ; la coalition divisée sur Baharav-Miara
Les projets de loi adoptés en première lecture malgré des querelles au sein de la coalition ; Smotrich dit que "c'est une honte de miner la coalition pour des absurdités »
Le parti d’extrême droite Otzma Yehudit, dirigé par le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir a voté contre le budget de l’État 2025 lundi soir, alors que les désaccords s’intensifient au sein de la coalition concernant l’avenir de la refonte du système judiciaire du gouvernement.
Les différents projets de loi budgétaires présentés à la Knesset ont tous été adoptés en première lecture malgré l’opposition de Ben Gvir.
Suite à l’annulation de dernière minute d’une réunion prévue entre les principaux alliés de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu sur la question du limogeage de la procureure générale Gali Baharav-Miara plus tôt dans la journée, Otzma Yehudit a annoncé qu’il ne se considérait plus lié par la discipline de la coalition et qu’il voterait désormais en toute indépendance, y compris sur la loi de finances.
Dans son communiqué, le parti ultranationaliste a critiqué ses partenaires de coalition pour avoir œuvré en faveur d’un accord « irresponsable » sur les otages, pour avoir réduit le budget du ministère de Ben Gvir et pour ne pas avoir soumis une résolution concernant le limogeage de Baharav-Miara à la discussion lors de la réunion du cabinet prévue la semaine prochaine.
Ben Gvir a alors commencé à faire circuler une proposition de déclaration commune en vue d’un tel vote, ce qui a suscité l’opposition du ministre des Finances, Bezalel Smotrich, qui avait déclaré plus tôt dans la journée que la refonte du système judiciaire devait rester en suspens jusqu’à la fin de la guerre.
Face à l’opposition de Smotrich, Ben Gvir a vivement attaqué son ancien allié d’extrême droite, l’accusant de « tenir un discours de droite en public, mais qui, en pratique, protège la procureure générale d’un limogeage, bloque la refonte judiciaire et empêche l’effondrement économique de l’Autorité palestinienne ».
« Nous avons été élus pour gouverner. Il n’y a aucune raison d’adopter un budget d’État sans limoger la procureure générale », a-t-il affirmé.
S’adressant à la presse à la Knesset après la déclaration de Ben Gvir, Smotrich s’est félicité que la coalition ait réussi à faire adopter le projet de loi-cadre sur le budget de l’État et a assuré que le projet de loi final sur le budget et les arrangements serait également adopté « même sans Ben Gvir et ses collègues qui, malheureusement pour des raisons politiques », votent contre « un bon budget qui répond à tous les besoins de la guerre, tant sur le front qu’à l’arrière, jusqu’à la victoire ».
« C’est une honte de compromettre la coalition pour des absurdités », a-t-il déclaré.
En réponse, Ben Gvir a indiqué qu’il ne retirerait ses objections au budget que si Smotrich se joignait à lui pour soumettre au cabinet la décision de limoger la procureure générale.
Tant que « le gouvernement ne fera pas le minimum sur cette question, je continuerai à m’opposer au budget », a déclaré Ben Gvir, qui n’en est pas à ses premières menaces contre ses partenaires de coalition pour faire avancer ses objectifs politiques et sociaux.
Bien que les règles gouvernementales stipulent qu’un ministre qui vote contre le budget de son propre gouvernement peut être considéré comme démissionnaire, il est peu probable que le Premier ministre Netanyahu limoge Ben Gvir, ont confié des sources du Likud à la presse israélienne.
Un budget de guerre
Selon les différents projets de loi de finances et le plan économique adoptés en première lecture en plénière lundi soir, le budget de l’État d’Israël pour 2025 s’élèvera à environ 609 milliards de shekels.
Sur cette somme, quelque 108 milliards de shekels seront alloués au ministère de la Défense, 92 milliards de shekels au ministère de l’Éducation et 60 milliards de shekels au ministère de la Santé.
Au total, le budget comprend près de 40 milliards de shekels de hausses d’impôts et de réductions de dépenses afin de juguler un déficit budgétaire qui atteint actuellement 8,5 % du PIB.
Réagissant à l’adoption du budget, Benny Gantz, président de HaMahane HaMamlahti, a accusé la coalition « d’être plus occupée à se chamailler entre eux qu’à prendre en compte les besoins de la population ».
« Et tout cela pour quoi ? », a-t-il interrogé. « Pas pour assurer aux citoyens d’Israël un meilleur budget… mais uniquement pour satisfaire les caprices de Ben Gvir et son règlement de comptes personnel avec la procureure générale. »
La réunion de la coalition prévue lundi soir, qui a déclenché la dispute entre Ben Gvir et Smotrich, a été annulée après que plusieurs chefs de partis se sont retirés, faute d’accord sur la manière de faire avancer le dossier concernant Gali Baharav-Miara.
Selon la chaîne de radio publique Kann, quatre chefs de partis de la coalition auraient refusé d’assister à la réunion, qui avait été organisée par un collaborateur de Netanyahu et devait se tenir dans son bureau à la Knesset. Cette situation a suscité des inquiétudes quant à une possible violation de l’accord sur les conflits d’intérêts qui s’applique au Premier ministre.
Cet accord interdit à Netanyahu de s’impliquer dans la plupart des affaires liées au système judiciaire, y compris dans les changements législatifs proposés par son gouvernement, en raison de son procès en cours.
La réunion annulée devait faire suite à une discussion précédente, tenue dimanche, durant laquelle l’éviction de Baharav-Miara et la relance de la controversée réforme judiciaire du gouvernement avaient été évoquées.
Selon certains articles dans la presse, malgré un soutien significatif des dirigeants de la coalition, ces derniers ne sont pas parvenus à prendre une décision finale sur ces questions dimanche, en raison d’une demande des partis ultra-orthodoxes. Ces derniers souhaitaient que la coalition adopte en priorité une législation inscrivant dans la loi l’exemption du service militaire pour leurs électeurs.
Un nombre croissant de législateurs et de ministres de la coalition ont demandé le limogeage de Baharav-Miara, frustrés face à son refus de défendre plusieurs mesures controversées et sans précédent que le gouvernement cherche à mettre en œuvre, mais qu’elle a jugées illégales.
Réserves
Plusieurs membres de la coalition se sont toutefois opposés à une telle démarche, estimant que ce n’est pas le moment de procéder à des remaniements radicaux du système judiciaire, en particulier en ce qui concerne le bureau de la procureure générale.
S’exprimant devant des journalistes avant la réunion hebdomadaire des factions de son parti Tikva Hadasha à la Knesset lundi, le ministre des Affaires étrangères Gideon Saar a vivement critiqué Baharav-Miara, l’accusant d’entraver les priorités législatives du gouvernement.
« Presque toute la législation gouvernementale, toute la politique gouvernementale, est promue par le biais de propositions législatives privées », a-t-il déploré.
Cependant, bien qu’il soutienne les « refontes judiciaires », Saar a insisté sur la nécessité de les examiner avec prudence et de les mener « avec sagesse et responsabilité », ajoutant qu’il est « préférable d’aller vers un processus de division des pouvoirs de ce poste [du procureur général] qu’un processus de division du peuple ».
Peu après, Saar a annoncé que, Mishel Buskila (Tikva Hadasha), avait soumis un nouveau projet de loi visant à diviser le rôle du procureur général, basé sur une ébauche formulée par Saar lorsqu’il était ministre de la Justice.
Le texte proposé priverait le procureur général de son autorité en matière d’enquête et de poursuite des élus, transférant cette compétence à une commission composée d’anciens juges de la Haute Cour, d’un ancien procureur général et d’un avocat nommé par le bureau du défenseur public.
S’exprimant avant la réunion des factions de son propre parti, HaTzionut HaDatit, Smotrich a lui aussi cherché à tempérer les efforts visant à relancer le conflit extrêmement polarisant sur le système judiciaire, qui a profondément divisé la société israélienne tout au long de l’année 2023.
Appelant le ministre de la Justice, Levin, et le président intérimaire de la Cour suprême, Isaac Amit, à parvenir à un compromis sur la sélection du prochain président de la Haute Cour de justice, Smotrich a fait valoir que tout changement significatif devrait rester en suspens jusqu’à l’après-guerre.
Décrivant Amit comme une brute tentant d’imposer ses vues au peuple et à ses représentants élus, Smotrich a déclaré que si le « gouvernement croit en la nécessité de mener une réforme fondamentale du système judiciaire, nous avons décidé, en raison de la guerre, de mettre ces questions de côté, car, en temps de guerre, nous devons tous porter le fardeau ensemble ».
« Après la guerre, le moment viendra où nous pourrons faire avancer la réforme conformément au mandat que nous avons reçu de la population. Mais la priorité aujourd’hui est de parvenir à un compromis acceptable pour éviter les fractures et les scènes auxquelles nous avons assisté avant le 7 octobre », a déclaré Smotrich.
Lors de la réunion de dimanche, Saar et Smotrich auraient remis en question la pertinence de relancer la réforme, estimant qu’elle serait, en fin de compte, annulée par la Haute Cour.
S’adressant à la Knesset au début du mois, le ministre de la Justice Yariv Levin a semblé admettre qu’il n’y avait pas suffisamment de soutien au sein du cabinet pour limoger Baharav-Miara. Il a appelé les ministres qui n’ont pas encore rejoint cet effort à « se présenter au peuple et à dire la vérité ».
Inconscience totale
En réponse aux efforts pour relancer la réforme, Gantz a dénoncé « l’imprudence absolue » de Levin. Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a quant à lui averti que si Levin n’organise pas un vote pour désigner le prochain président de la Haute Cour, Karine Elharrar (Yesh Atid), « le fera à sa place ».
La semaine dernière, la Haute Cour de Justice a ordonné à Levin d’organiser un vote au sein de la commission de sélection des juges pour élire un nouveau président de la Cour suprême d’ici le 16 janvier. Le ministre de la Justice y a résisté pendant plus d’un an, car un tel vote, avec la composition actuelle de la commission, attribuerait le poste à Isaac Amit.
« La majorité de la commission souhaite élire un président à la Cour suprême et n’a pas besoin de Yariv pour soumettre cette question au vote. S’il refuse, cela n’a aucune validité juridique ni pratique, et Karine [Elharrar] le soumettra au vote », a déclaré Yair Lapid.
Si Levin ne se conforme pas à l’ordre de la Cour, la commission, au sein de laquelle Elharrar représente l’opposition, sera habilitée à organiser un vote sans lui.
La commission est composée de neuf membres : le président de la Cour suprême, deux autres juges de la Cour suprême choisis par les juges de la Cour suprême, le ministre de la Justice, qui préside la commission, et un autre ministre du cabinet, deux membres de la Knesset choisis par la Knesset lors d’un vote secret (généralement, mais pas toujours, un député de la coalition et un de l’opposition), et deux membres de l’Association du barreau israélien choisis par le conseil national de l’association.
Elharrar représente l’opposition au sein de la commission.
« La majorité de la commission veut élire un président de la Cour suprême et n’a pas besoin de Yariv pour soumettre la question au vote. S’il refuse, cela n’a aucune validité juridique et aucune validité pratique et Karine le soumettra au vote », a-t-il déclaré.
À la suite de la décision de la Cour, Levin a fait part de son intention de relancer le programme de réforme judiciaire du gouvernement, qui a été gelé. Il a publié sur Facebook, au cours du week-end, une longue attaque contre la Cour, qu’il accuse d’usurper le rôle législatif de la Knesset et les pouvoirs exécutifs du gouvernement.
Lapid a ajouté que la dernière fois que le gouvernement a tenté de faire passer ce programme, il a provoqué la mort de 1 800 personnes, rejetant la responsabilité du 7 octobre et de la guerre qui s’en est suivie sur Levin et le Premier ministre Netanyahu.
Aujourd’hui, alors que de nombreux otages sont toujours détenus à Gaza et que des soldats meurent chaque jour, « Levin nous entraîne à nouveau dans une nouvelle tentative de destruction de la démocratie israélienne », déclare-t-il. « Si nous n’arrêtons pas Yariv Levin, nous devons nous poser la question dès aujourd’hui : Combien de personnes seront tuées cette fois-ci ? Combien de blessés cette fois-ci ? Combien de fronts s’ouvriront cette fois-ci ? Combien de mandats d’arrêt [internationaux] seront lancés contre des soldats de l’armée israélienne à cause d’un seul fou ? ».
Si Levin parvient à faire passer sa réforme, « Israël ne sera pas une démocratie. Si Israël n’est pas une démocratie, il n’existera pas », a-t-il poursuivi. « Ce n’est pas un débat sur le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif, c’est une menace existentielle pour l’État d’Israël à cause de la folie de Yariv Levin, et à cause des problèmes criminels de Netanyahu. »