Un ministre quitte une réunion face à la proposition du budget de guerre de Netanyahu
Kisch à Smotrich : "Je ne veux rien entendre de vous ou de votre entourage" ; le Premier ministre demande aux ministres de "partager le fardeau" des coupes budgétaires drastiques
Malgré la promesse du Premier ministre Benjamin Netanyahu de prendre le temps de discuter « aussi longtemps que nécessaire » pour l’adoption d’un budget 2024 amendé, la réunion du gouvernement de dimanche a rapidement tourné au vinaigre, les insultes fusant entre les membres du cabinet et le ministre de l’Éducation Yoav Kisch (Likud), du parti du Premier ministre, qui a quitté la salle en trombe.
Le ministre de de l’Éducation, Yoav Kisch, serait sorti en furie de la salle, selon la Douzième chaîne, criant au ministre des Finances, Bezalel Smotrich, « je ne veux rien entendre, ni de vous ni de ceux qui vous entourent ». En réponse à la tentative de Netanyahu de calmer le jeu, Kisch a déclaré qu’il n’était « pas intéressé » et a quitté la salle, suivi par le ministre de la Culture et des Sports, Miki Zohar.
Netanyahu se serait moqué d’eux et leur aurait dit : « Si vous quittez le conseil des ministres sans en informer les médias, avez-vous vraiment quitté le conseil des ministres ? », ce à quoi Zohar a répondu qu’il allait « juste aux toilettes ».
Après son accrochage avec Kisch, Smotrich aurait également critiqué le ministre de l’Énergie récemment nommé, Eli Cohen, en lui reprochant de poser des « questions par manque de compréhension ».
La proposition actuelle du ministère des Finances prévoit une augmentation globale du budget de 68,4 milliards de shekels, parallèlement à une réduction générale des dépenses de 3 % dans tous les ministères, ainsi qu’une réduction de 2,5 milliards de shekels sur les 8 milliards de shekels des fonds de coalition, c’est-à-dire des fonds discrétionnaires affectés aux projets personnels des ministres et des députés.
« Il faut que nous partagions la charge », a affirmé Netanyahu au début de la réunion du cabinet dimanche après-midi, arguant que la guerre contre le Hamas nécessite à la fois des « adaptations » et une augmentation du déficit afin de « pouvoir continuer à mener la guerre au cours de l’année à venir et de la terminer ».
« Nous proposerons également des compensations et des subventions destinées aux réservistes, aux familles des réservistes et aux travailleurs indépendants ; ils méritent toute une série d’avantages. Nous proposerons en outre un budget plus important pour la reconstruction des communautés et des kibboutzim et, bien sûr, pour le retour des personnes évacuées », a-t-il déclaré.
« Je pense que dans la journée, dans les 24 heures qui viennent – je suis prêt à rester assis ici aussi longtemps que nécessaire – et si possible dans la nuit qui vient, nous allons boucler tout cela. Nous allons soumettre un budget de guerre pour l’État d’Israël, un budget qui assure notre sécurité et notre avenir. Je vous remercie d’avance », a-t-il déclaré.
Des coupes drastiques
Selon la proposition actuellement débattue par le cabinet, l’enveloppe budgétaire du ministère de l’Éducation serait réduite de 891 millions de shekels, celle du ministère de la Santé de 440 millions de shekels et celle du ministère de la Protection et des Affaires sociales de 163 millions de shekels.
Bien que la proposition de budget se garde d’augmenter les impôts individuels, elle prévoit une augmentation de 1 % de la TVA prévue pour 2025, ce qui la porterait à 18 %, ainsi que de nouvelles taxes sur les bénéfices des banques et sur le tabac.
On notera que le plan actuel ne contient aucune disposition visant à réduire le nombre de ministères, malgré la recommandation du ministère des Finances de fermer dix ministères superflus – dont le ministère des Implantations et des Missions nationales, le ministère de Jérusalem et de la Tradition juive et le ministère du Renseignement – afin de combler le déficit budgétaire en temps de guerre.
« Il faut prendre des décisions concrètes pour déterminer ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas, plutôt que de se contenter de réduire les budgets de manière générale, a déclaré dimanche au Times of Israel Itai Aviv, professeur d’économie à l’université de Tel Aviv, membre de l’Institut israélien de la démocratie et président du Forum des économistes israéliens.
La suppression des fonds de la coalition et de certains ministères permettrait d’économiser des milliards de shekels. Même si cette mesure ne suffirait pas à absorber les coûts de la guerre, elle contribuerait grandement à « renforcer la confiance dans la capacité du gouvernement à prendre des décisions difficiles », a-t-il expliqué.
Mais ces coupes budgétaires sont une « patate chaude politique », a souligné Moshe Roth (Yahadout HaTorah), vice-président de la Knesset, dans un entretien accordé au Times of Israel dimanche dernier.
« Je suis tout à fait d’accord sur le principe de coupes, mais je pense qu’elles doivent être appliquées de manière intelligente afin de ne pas nuire, plus que nécessaire, à des services publics indispensables », a-t-il déclaré.
Benny Gantz, ministre du cabinet de guerre – qui a déjà exhorté Netanyahu à réduire les fonds de la coalition et dont le parti HaMahane HaMamlahti n’a pas voté pour le budget 2023 amendé – a déclaré que son parti n’avait pas encore décidé comment il voterait sur les changements apportés au budget 2024.
Gideon Saar (HaMahane HaMamlahti) a néanmoins fait savoir qu’il voterait contre le budget, estimant qu’il n’allait pas assez loin et ne comportait aucune « décision politiquement difficile ou servant d’exemple personnel », comme les réductions de salaire pour les élus.
Mécontentement au sein de la coalition
D’autres membres de la coalition, dont certains députés du Likud, le parti de Netanyahu, ont exprimé de fortes réserves sur le budget, évoquant des coupes importantes dans des domaines allant de l’éducation aux transports.
Dans une lettre adressée dimanche à Netanyahu, le ministre des Communications Shlomo Karhi (Likud) a averti que les coupes budgétaires pourraient nuire à l’infrastructure des communications du pays et potentiellement « mettre des vies en danger ».
Le ministre des Affaires de la Diaspora, Amichai Chikli (Likud), et le ministre de l’Intérieur, Moshe Arbel (Shas), ont également écrit à Netanyahu au sujet du budget.
Chikli, qui a récemment démissionné de son poste de ministre de l’Égalité sociale et a appelé à une réduction du nombre de ministères, a déclaré que, bien qu’il reconnaisse que « tout le monde comprenne les nécessités de réduire les dépenses en raison des couts de la guerre », il était opposé à toute réduction des financements destinés au secteur arabe, un appel également repris par le ministre de la Culture et des Sports Zohar lors de la réunion du cabinet de dimanche dernier.
Arbel a quant à lui affirmé que le gouvernement pouvait « s’étendre sans couper », appelant Netanyahu à augmenter la dette nationale plutôt qu’à réduire les budgets des services publics.
Le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir (Otzma Yehudit), et la ministre des Transports, Miri Regev (Likud), ont également fait part de leur opposition, comme l’a rapporté Israel Hayom, citant leur avertissement selon lequel le nouveau budget gèlerait le recrutement de la police et endommagerait l’infrastructure des transports publics de la nation.
Ben Gvir a déclaré qu’il « voterait contre ce budget ou, à tout le moins, qu’il s’abstiendrait de voter sur ce budget », a rapporté le quotidien.
La ministre de l’Environnement, Idit Silman, a également protesté contre les coupes budgétaires qui, selon elle, pourraient causer de « graves dommages à l’environnement ».
Le budget révisé a été vivement critiqué par la Fédération des autorités locales, qui a exhorté vendredi Netanyahu et le ministre des Finances, Smotrich, à ne pas adopter les réductions de dépenses.
Dans leur lettre, les chefs de 257 autorités locales de tous les secteurs ont averti que les réductions de dépenses proposées pour réviser le budget 2024 porteraient « un coup fatal aux citoyens de l’État d’Israël et à la capacité des autorités locales à fournir des services à leurs résidents ».
Les autorités locales disent être fermement opposés aux importantes réductions dans les enveloppes budgétaires de l’Éducation, de la Protection et des Affaires sociales, qui, selon elles, entraîneraient la fermeture de classes, creuseraient les écarts sociaux et auraient de graves répercussions sur les programmes destinés aux survivants des massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre.
Les coupes budgétaires proposées par le gouvernement constitueraient un « coup fatal pour les services sociaux en 2024 », a déclaré un responsable du ministère des Affaires sociales au quotidien Haaretz.
Mettre les finances d’Israël sur le pied de guerre
Dans une lettre ouverte à ses collègues ministres, publiée dimanche matin sur le site web Israel National News, le ministre des Finances Smotrich a averti qu’il « n’y a pas de repas gratuits » et que « la guerre exige un remaniement temporaire des priorités et le report d’autres choses importantes. »
« Je comprends votre colère à mon égard ces derniers jours », a-t-il écrit, tout en soutenant que « libérer des budgets pour l’effort de guerre (…) est le sens de la responsabilité nationale ».
Le 7 octobre, des milliers de terroristes du Hamas ont déferlé sur Israël depuis Gaza et ont tué près de 1 200 personnes, dont une grande majorité de civils, se livrant à des exactions graves telles que viols, tortures et autres crimes.
Ils ont pris en otage plus de 240 personnes, dont 132 sont toujours en captivité, mais pas toutes en vie. Israël a, en reponse, déclaré la guerre à Gaza dans le but d’éliminer le Hamas et sa capacité à menacer la sécurité d’Israël, et de libérer les otages.
Alors que les législateurs de la Knesset ont approuvé les budgets de l’État pour 2023 et 2024 – totalisant près de 998 milliards de shekels – en mai dernier, le déclenchement de la guerre en octobre a bouleversé les plans budgétaires du gouvernement, obligeant les législateurs à adopter un budget supplémentaire de 28,9 milliards de shekels pour 2023 en décembre, afin de couvrir les coûts des combats en cours contre le Hamas et le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, ainsi que les dépenses civiles, telles que l’hébergement des personnes évacuées du nord et du sud du pays.
Le budget amendé de 2023 inclut également des centaines de millions de shekels de fonds de la coalition, qui, selon les professionnels du ministère des Finances, auraient dû être réduits de moitié.
La guerre actuelle contre le groupe terroriste du Hamas coûterait à Israël au moins 1 milliard de shekels par jour.
Israël a affecté des milliards de shekels à l’achat d’armes, au paiement des réservistes de Tsahal, au logement des personnes évacuées et à des mesures visant à renforcer les dispositifs de sécurité civile à l’intérieur d’Israël.
Ces initiatives comprennent 18 milliards de shekels pour la reconstruction et le développement des communautés frontalières de Gaza et un programme d’aide en temps de guerre de 9 milliards de shekels pour les centaines de milliers de soldats de réserve de Tsahal mobilisés à la suite de l’attaque brutale du Hamas le 7 octobre.
Quelle que soit la décision prise par le cabinet, le budget sera probablement amendé une fois soumis à la Knesset, a prédit le député du Likud Danny Danon.
« Je pense qu’il y aura des modifications et que le gouvernement n’aura d’autre choix que de montrer au public qu’il ne se contente pas de demander à la population de contribuer à l’effort, mais que le gouvernement prend, lui aussi, les mesures nécessaires », a-t-il déclaré, prédisant que la question des ministères redondants continuerait à faire partie du débat politique à l’avenir.
L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.