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Refonte judiciaire : Que prévoit la coalition et quelle est sa position ?

Les politiciens pourraient nommer les juges et la Cour ne pourra plus intervenir sur presque toutes les lois ; la coalition souhaite finaliser son plan radical d'ici un mois

Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.

Le président de la Commission de la Constitution, du droit et de la Knesset, Simcha Rothman, pendant une audience de commission, le 1er mars 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le président de la Commission de la Constitution, du droit et de la Knesset, Simcha Rothman, pendant une audience de commission, le 1er mars 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu mène une véritable course contre la montre pour faire adopter un plan radical et ambitieux qui bouleverserait le système judiciaire et accorderait, de surcroît, un pouvoir sans précédent aux politiciens.

Selon les critiques de ce projet, il entraînera un changement révolutionnaire dans la gouvernance en Israël en supprimant, dans les faits, la capacité de la Cour suprême – qui siège aussi en tant que Haute Cour de justice – à servir de contre-pouvoir face à la Knesset et face à une coalition majoritaire. Ce qui pourrait faire glisser le modèle israélien, qui est aujourd’hui un modèle de démocratie libérale, vers un autre système de gouvernance, avertissent les experts.

En plus de souligner les dangers posés aux institutions démocratiques libérales, à l’état de droit et aux protections apportées aux libertés civiles, les détracteurs soulignent aussi les répercussions économiques, diplomatiques et légales d’une telle initiative – des conséquences qui ont d’ores et déjà été signalées par les professionnels, les spécialistes et les dirigeants internationaux.

Les partisans de la refonte rejettent, de leur côté, les mouvements de protestation massifs contre les changements envisagés et les appels à geler la campagne en faveur de la loi. Ceux qui soutiennent le paquet de réformes affirment que le plan est nécessaire pour « rééquilibrer » le pouvoir qui est confisqué, selon eux, par des juges « activistes« , un pouvoir qui sera ainsi rendu aux représentants élus du peuple – ce qui, affirment-ils, « renforcera la démocratie ». Ils disent aussi qu’un grand nombre d’Israéliens, dans leur camp, ne se reconnaissent pas dans la Cour, considérée depuis longtemps comme un bastion du libéralisme, et qu’il faut introduire une diversité sociale et idéologique plus importante dans sa composition.

L’un des deux principaux instigateurs de la refonte, le ministre de la Justice Yariv Levin, un idéologue très engagé dans ces réformes, a indiqué qu’il continuerait à les faire avancer à un rythme effréné. Le processus législatif pourrait ainsi se terminer avant les congés pris par la Knesset à l’occasion de la fête de Pessah, le 2 avril.

Si Levin a dit être ouvert au dialogue tout au long du processus d’adoption de la réforme judiciaire au Parlement, les membres de l’opposition et le président Isaac Herzog ont appelé au gel de la campagne-coup de poing menée à la Knesset en condition préalable à d’éventuelles négociations – de manière à ce que ces dernières ne servent pas seulement de couverture à une refonte radicale du système de la justice qui demeurera in fine inchangé.

Alors que le mouvement de protestation ne cesse de s’amplifier depuis huit semaines maintenant, un petit groupe de députés issus du Likud, la formation de Levin, et du principal parti d’opposition favorable à un compromis, HaMahane HaMamlahti, a publié mercredi dernier une lettre ouverte réclamant des pourparlers entre les deux camps – mais, une fois encore, sans résoudre la question des conditions sine qua non.

Des officiers de la garde montée s’opposant aux manifestants qui protestent contre le projet de réforme du système judiciaire du gouvernement, à Tel Aviv, le 1er mars 2023. (Crédit : Erik Marmor/Flash90)

Vous trouverez ci-dessous les grandes lignes des principales composantes de la refonte judiciaire actuellement en cours et une explication de l’évolution de chacune dans le processus législatif.

Le transfert aux politiques du contrôle de la nomination des juges

Ce qu’implique la mesure : Cet élément accorderait à la coalition le contrôle total de la nomination des juges en Israël en changeant la composition de la commission de sélection des juges, forte de neuf membres, et en réduisant le seuil de votes nécessaires pour nommer un juge à cinq voix – le nombre qui est détenu par les politiciens issus de la coalition au sein de la commission.

Actuellement, la commission de sélection des juges équilibre les pouvoirs entre politiques et professionnels par le biais de la composition même du panel et en exigeant l’accord de sept des neuf membres pour choisir un magistrat qui siègera à la Cour suprême, ce qui oblige au compromis entre les factions. Cinq votes seulement sont nécessaires pour désigner les juges nommés dans des juridictions inférieures.

Alors qu’aujourd’hui, la commission est formée de trois juges, de deux représentants de l’Association du Barreau israélien et de quatre politiciens, le nouveau panel exclura dorénavant toute représentation de l’Association des avocats et offrira trois sièges à des ministres et trois sièges à des députés.

En plus du président de la Cour suprême, le ministre de la Justice pourra choisir deux juges supplémentaires – provenant notamment de tribunaux inférieurs – avec l’accord du président de la Cour suprême. Ces trois sièges étaient occupés jusqu’à présent par des magistrats de la plus haute instance judiciaire d’Israël. En plus du ministre de la Justice, le gouvernement pourra nommer deux autres ministres au sein de la commission. Et les députés seront le chef de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice ; un autre législateur issu de la coalition qui sera désigné par le président de la Knesset et un troisième parlementaire choisi par l’opposition.

Le député Simcha Rotman, chef de la Commission de la Constitution, du Droit et de la Justice, lors d’une réunion de la commission avec le ministre de la Justice Yariv Levin, à la Knesset, le 11 janvier 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Ce que disent les partisans : De nombreux Israéliens considèrent que la Cour suprême n’est pas représentative du pays et prônent des valeurs ou des identités qui, selon eux, ne sont pas reflétées par les 15 magistrats du tribunal. Les politiciens affirment, pour leur part, qu’en passant les nominations sous le contrôle du gouvernement, les élus de la coalition – qui sont élus par le peuple – pourront offrir une Cour plus représentative de leur camp politique, porté au pouvoir par la population.

Se réjouissant de l’adoption de la législation lors de son tout premier vote à la Knesset, fin février, Levin a indiqué que le changement survenu dans la commission de sélection des juges « ouvrira la porte au pluralisme », attirera « des magistrats venus de toutes les catégories du peuple » tout en garantissant l’indépendance judiciaire.

Ses partisans affirment aussi que la Cour suprême et l’Association du Barreau israélien ont uni leur pouvoir pour favoriser la sélection de leurs proches – une critique partiellement réglée en élevant le seuil des votes nécessaires pour sélectionner les juges de cinq à sept au sein du panel de neuf membres.

Ce que disent les critiques : Ils affirment que cette mesure soumettra, à terme, la Cour suprême toute entière aux desirata des politiciens de la coalition qui auront le pouvoir de nommer les candidats qu’ils souhaiteront sans avoir à faire de compromis avec les autres membres de la commission.

Donner aux politiciens le contrôle de la sélection et de la promotion des juges politisera le système judiciaire, menaçant ainsi gravement son indépendance, ajoutent-ils. L’ancien ministre de la Justice Gideon Saar a affirmé que les magistrats sauraient à quel politicien ils « doivent » leur siège et que les jugements rendus par les juridictions inférieures pourraient l’être avec le souci d’une éventuelle future promotion.

Et avec le temps, c’est la Cour suprême toute entière qui, selon Saar, « devra » ses sièges à des politiques ou à des camps spécifiques.

Où en est cette législation : Soutenue par la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice, le projet de loi qui prévoit de changer la composition de la Cour a été adopté en première lecture en date du 21 février et il est revenu devant la commission pour être préparé en vue de sa deuxième lecture et de la troisième, qui l’ancrera dans la loi.

L’immunité préemptive des projets de loi

Ce qu’implique la mesure : Le projet de loi empêchera les tribunaux de pouvoir invalider des lois ordinaires qui auront été adoptées à la Knesset dans la mesure où elles seront dotées d’une clause dite « dérogatoire » qui établira spécifiquement qu’elles ne pas pourront être remises en cause devant la justice pour une éventuelle violation des Lois fondamentales – c’est sur cette base que les juges ont pu rejeter des projets de loi par le passé. La législation devra également être adoptée par 61 députés et non par une majorité simple.

Cette clause resterait valide pendant tout le mandat de la Knesset l’ayant approuvée et pendant une année post-électorale supplémentaire – le nouveau Parlement pouvant ainsi décider d’étendre les protections apportées par la clause « indéfiniment ».

Alors qu’une loi israélienne peut être facilement amendée, suivant le même processus législatif que celui qui est nécessaire pour l’adoption d’un nouveau texte, cette clause pourra aussi être insérée de manière rétroactive en modifiant une loi existante et en y insérant simplement la mesure.

Il y a peu de lois exigeant une super-majorité de plus de 61 députés pour être modifiées qui ne seraient pas concernées par la protection apportée par cette clause.

La juge en chef de la Cour suprême, Esther Hayut, lors d’une audience pour un recours demandant l’évacuation de l’avant-poste illégal de Homesh, le 2 janvier 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Cette mesure a été qualifiée de clause dite « dérogatoire » parce qu’elle déclare explicitement que la loi restera « valide, indépendamment de ce qui est établi dans les Lois fondamentales ».

Cette clause préemptive entre dans le cadre d’une campagne en plusieurs volets visant à détruire la capacité de la Haute Cour à réexaminer des législations, avec aussi des projets de loi prévus qui limiteraient les compétences de la plus haute instance judiciaire d’Israël et qui permettraient à la Knesset de relégiférer des textes de loi précédemment invalidés par la Cour.

Ce que disent les partisans : Ses soutiens maintiennent que la mesure « redonnera le contrôle au peuple souverain » via la représentante du peuple, la Knesset.

Ils saluent aussi une clause qui, selon eux, mettra un terme « aux abus de pouvoirs » des juges. De nombreux partisans accusent une Haute Cour « activiste » d’émettre des jugements avec lesquels ils sont en désaccord, notamment ceux qui ont pu limiter les activités d’implantation ou qui ont bloqué l’inscription définitive dans la loi de l’exemption de service militaire des jeunes ultra-orthodoxes qui étudient en yeshiva.

Le président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice, le député Simcha Rothman, a aussi affirmé que la nécessité d’obtenir le soutien de 61 députés et que le délai d’expiration signifiaient qu’il resterait difficile de passer outre la capacité de la Haute Cour à procéder à un réexamen judiciaire.

Ce que disent les critiques : La clause dite « dérogatoire » sera rajoutée par les députés à presque toutes les lois, ce qui interdira aux tribunaux de réexaminer les textes quels qu’ils soient et même s’ils sont en contradiction directe avec les Lois fondamentales quasi-constitutionnelles d’Israël. Ce qui donnera aux membres de la Knesset carte blanche pour approuver des lois réduisant les droits des minorités qui sont habituellement protégés par les Lois fondamentales, sans aucun recours légal possible en-dehors du processus législatif.

Où en est la législation : Deux projets de loi parallèles sont actuellement en cours de discussion avant leur avancée – que le bureau de Rothman qualifie d’affaire « technique ». Le premier, un texte présenté à titre privé et soutenu par Rothman, a passé sa lecture préliminaire en date du 22 février. Le second, parallèle, qui a été préparé par la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice est actuellement en cours d’études et il a obtenu le feu vert pour sa première lecture en date du 1er mars.

La restriction de la capacité de la Cour à interpréter des Lois fondamentales, notamment pour établir des libertés civiles

Ce qu’implique la mesure : Selon le projet de loi, la Haute Cour de justice n’aurait le droit d’invalider une loi adoptée à la Knesset que si cette dernière contrevient « clairement » à une prescription « ancrée » dans une Loi fondamentale.

Ce qui signifie, en pratique, que la Haute Cour ne pourra plus extraire des Lois fondamentales des garanties appuyant les libertés civiles, à moins que ces droits soient explicitement formulés.

Des droits civils fondamentaux, tels que la droit à l’égalité, et à la liberté d’expression entre autres, ne sont pas cités explicitement dans les Lois fondamentales mais ils sont entrés dans le paysage juridique israélien grâce à des jugements rendus par la Haute Cour qui a interprété ces législations quasi-constitutionnelles – et particulièrement la Loi Fondamentale : Liberté humaine et dignité. Ces droits ne seraient plus protégés face aux caprices des politiciens.

Ce que disent les partisans : Si les Lois fondamentales ont le statut d’une Constitution, alors les tribunaux doivent s’en tenir à une lecture étroite de la législation et ne pas chercher à lire entre leurs lignes pour en faire émerger de nouveaux droits.

Rothman, qui soutient cette disposition, affirme que si la Haute Cour est en mesure d’invalider une législation en s’appuyant sur l’argument laissant entendre que la Knesset aurait limité sa puissance législative à travers les Lois fondamentales, alors elle ne peut le faire qu’en fonction de ce qui est très précisément écrit dans ces lois.

Des Israéliens bloquant une route et se heurtant à la police alors qu’ils protestent contre la réforme du système judiciaire prévue par le gouvernement israélien, à Tel Aviv, le 1er mars 2023. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Le député a laissé entendre que les libertés civiles seraient protégées en raison des accords sociétaux tacites sur le sujet. Rothman a ajouté qu’il y avait « une possibilité » que la Haute Cour puisse continuer à statuer, après l’adoption de cette mesure, sur des dossiers sur les libertés civiles telles qu’elles ont été déterminées, dans le passé, par les juges.

Les partisans disent aussi que cette loi, en permettant d’établir clairement ce que la Cour pourra et ne pourra pas déterminer, ancrer pour la toute première fois la capacité des magistrats à invalider des lois – ce pouvoir, jusqu’à présent, ayant été revendiqué par le tribunal lui-même sans jamais figurer par ailleurs dans une législation.

Ce que disent les critiques : Enlever à la Cour ce pouvoir d’interprétation ôtera la protection constitutionnelle apportée aux libertés civiles.

Gur Blaï, conseiller juridique de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice, avait toutefois mis Rothman en garde en lui disant que si les juges devaient être privés de la capacité d’invalider une loi contrevenant aux libertés civiles qu’ils ont eux-mêmes établies, « cela signifie qu’il n’y aura plus de protection constitutionnelle des droits de base, comme l’est la liberté d’expression ».

Où en est la législation : Liée à la clause dite « dérogatoire », cette mesure figure également dans deux lois parallèles. La première, parrainée par Rothman, a été approuvée en lecture préliminaire le 22 février. La deuxième, préparée par la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice, a obtenu le feu vert de la coalition, le 1er mars, en vue de sa première lecture au Parlement.

L’impossibilité pour la Cour suprême de réexaminer les Lois fondamentales

Ce qu’implique la mesure : La Cour suprême ne pourra plus procéder au réexamen judiciaire des Lois fondamentales.

Ce que disent les partisans : Les Lois fondamentales ont un statut quasi-constitutionnel et elles doivent être protégées d’une éventuelle invalidation par la Cour.

Ce que disent les critiques : Alors qu’elles avaient été écrites comme autant d’esquisses d’une future coalition israélienne, les Lois fondamentales ont un statut particulier mais, dans la plupart des cas, elles ne nécessitent pas un processus législatif particulier. La majorité d’entre elles peuvent être changées par une majorité simple de députés présents à l’occasion du vote et elles peuvent être facilement manipulées pour résoudre des problèmes politiques à court-terme – comme cela avait été le cas, par exemple, d’une Loi fondamentale qui avait été adoptée en 2020 pour soutenir un accord de rotation au poste de Premier ministre raté entre Netanyahu et le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz.

Les critiques estiment aussi que la coalition joue sur deux tableaux, en considérant les Lois fondamentales comme constitutionnelles mais aussi en les considérant comme très malléables. Ils notent que Rothman avait ouvert la toute première session de sa commission en établissant que les Lois fondamentales n’étaient pas une Constitution.

Ils soulignent également le fait que le projet de loi bloquant le réexamen judiciaire des Lois fondamentales consiste en un amendement apporté à la Loi fondamentale : Le Système judiciaire, qui serait elle-même rendue intouchable par la mesure.

Le président de la Commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset, Simcha Rothman, pendant une audience de commission, le 1er mars 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Où en est la législation : Incluse dans le paquet de changements relatifs à la commission de sélection des juges, elle a été adoptée en première lecture le 20 février et elle est actuellement débattue par la commission de Rothman en amont de ses deux lectures complémentaires.

Panels élargis et seuils obligatoires pour les réexamens judiciaires

Ce qu’implique la mesure : La proposition exige que 80 % – soit 12 des 15 juges de la Cour suprême – s’accordent sur le rejet d’une loi pour que cette dernière soit invalidée. Les audiences, dans un tel cadre, nécessiteront la présence de la totalité des 15 magistrats.

Ce que disent les partisans : Les lois sont trop facilement annulées par la Haute Cour. Ainsi, aujourd’hui, il faut une majorité simple dans un panel de 9 à 11 juges pour renverser une législation.

Depuis que la Cour a établi son pouvoir de réexamen judiciaire substantiel en 1995, elle a annulé douze lois, partiellement ou dans leur intégralité.

Ce que disent les critiques : Compte tenu de la diversité idéologique de la Cour, le fait de porter le seuil à 12 des 15 juges de la Cour rendra très difficile l’invalidation des lois. Si l’on ajoute à cela d’autres propositions visant à limiter le contrôle des lois par la Cour, comme la suppression du contrôle de la Loi fondamentale et la création d’une clause d’immunité préventive, la Cour aura du mal à effectuer un contrôle judiciaire de fond significatif.

De nombreux opposants à la révision du système judiciaire sont ouverts à l’idée de relever le niveau d’invalidation des lois, mais s’opposent au seuil particulièrement élevé fixé par cette proposition.

Le conseiller juridique de la commission constitutionnelle, Blaï, a appuyé cette critique en déclarant à la commission que presque aucune autre démocratie n’exige une majorité spéciale pour le contrôle judiciaire.

La députée Yisrael Beytenu Yulia Malinovsky, à droite, et le député Yesh Atid Yesh Vladimir Beliak, à gauche, s’emportant lors d’une session de la Commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset au Parlement israélien, à Jérusalem, le 1er mars 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Où en est la législation : La commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset, qui a parrainé le projet de loi, l’a provisoirement approuvé le 1er mars pour une première lecture à la Knesset, mais il retournera en commission le 5 mars pour un second vote afin de surmonter les objections.

Une législation identique figure dans un projet de loi parallèle d’initiative parlementaire, qui a franchi l’étape de la première lecture le 22 février.

Protéger le Premier ministre contre un congé forcé 

Ce qu’implique la mesure : Le projet de loi ne prévoit que deux façons de récuser un Premier ministre : le Premier ministre informe la Knesset qu’il se récuse, ou les trois quarts des ministres votent pour mettre le Premier ministre en congé, une décision qui doit ensuite être confirmée par au moins 90 députés de la Knesset. La récusation doit être motivée par une incapacité physique ou mentale.

La législation ajoute qu’aucun tribunal n’est habilité à examiner une requête demandant la récusation du Premier ministre, ni à rendre une telle décision.

Le mois dernier, la Haute Cour de justice a accepté d’examiner un recours demandant à la Cour d’ordonner à Netanyahu de se récuser, en raison de son conflit d’intérêts apparent à présider des réformes judiciaires de grande envergure alors qu’il est lui-même en procès pour corruption.

Le 2 mars, l’équipe juridique de Netanyahu a déclaré à la Haute Cour que l’affirmation de la Procureure générale selon laquelle l’implication du Premier ministre dans la politique de réforme judiciaire constituerait un conflit d’intérêts était « théorique, spéculative ».

Ce que disent les partisans : Le parrain du projet de loi, Ofir Katz (Likud), a déclaré que les électeurs et leurs représentants choisissent le Premier ministre et qu’il est inapproprié pour la Cour d’interférer.

Ce que disent les critiques : La Procureure générale Gali Baharav-Miara a déclaré qu’elle s’opposait au projet de loi, notant car il réduirait fortement les circonstances dans lesquelles la récusation d’un Premier ministre pourrait être ordonnée, et a averti que la proposition créerait un « vide » juridique.

La Procureure générale Gali Baharav-Miara participant à une conférence de la section israélienne de l’Association of Corporate Counsel (ACC), à Tel Aviv, le 5 juillet 2022. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Où en est la législation : Le projet de loi a franchi sa lecture préliminaire à la Knesset le 1er mars et devrait être dirigé vers une nouvelle commission dirigée par Katz pour la préparation de sa première lecture.

Mettre fin au contrôle discrétionnaire des tribunaux sur les nominations ministérielles, alias « Deri 2 » 

Ce qu’implique la mesure : La mesure empêche la Haute Cour de justice d’examiner les nominations ministérielles, à moins qu’elles ne soient en conflit direct avec les critères d’aptitude définis dans la Loi fondamentale : Le Gouvernement.

Le nouveau projet de loi fait partie d’un effort explicite pour ramener le chef du Shas, Aryeh Deri, au sein du cabinet, et a été surnommé « Deri 2 ».

Deri a été reconnu coupable de délits fiscaux l’année dernière, mais n’a été condamné qu’à une peine avec sursis dans le cadre d’une négociation de peine. Craignant que la condamnation avec sursis ne soit assortie d’une décision de « turpitude morale » qui obligerait Deri à se retirer de la vie politique pendant sept ans, la coalition naissante a adopté un amendement à la Loi fondamentale : Le Gouvernement en décembre pour préciser que seules les personnes nommées condamnées à des peines de prison ferme seraient soumises à la notion de « turpitude morale ».

Cependant, en janvier, la Haute Cour de justice a jugé que la nomination de Deri au cabinet était « extrêmement déraisonnable » et également interdite en raison du principe judiciaire d’estoppel, après qu’il a prétendument déclaré qu’il quitterait la politique dans le cadre d’une négociation de peine en janvier 2022. La Procureure générale a donc ordonné à Netanyahu de licencier son principal allié.

Le chef du parti Shas, Aryeh Deri, dirigeant une réunion de sa faction à la Knesset, à Jérusalem, le 6 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/ Flash90)

Ce que disent les partisans : Les tribunaux ne devraient pas interférer avec la voix du peuple, qui a soutenu les politiciens avec leurs votes et les a amenés à la Knesset et au gouvernement. Plus précisément, les politiciens affirment que l’élimination du chef du Shas annulerait les votes d’environ 400 000 personnes qui ont soutenu le Shas lors des dernières élections législatives.

Ce que disent les critiques : Il s’agit d’une tentative personnelle de ramener Deri au pouvoir en changeant les règles à mi-parcours.

Où en est la législation : Un projet de loi d’initiative parlementaire présenté par le député Moshe Arbel (Shas) a franchi l’étape de la lecture préliminaire le 22 février et a commencé à être discuté dans une commission spéciale le 1er mars.

Retirer les enquêtes internes de la police de la compétence du Bureau du Procureur de l’État

Ce qu’implique la mesure : L’initiative transférerait le Département des enquêtes internes de la police sous le contrôle du ministre de la Justice et lui permettrait d’enquêter sur les procureurs de l’État.

Cela signifie que l’unité passera d’une autorité indépendante et professionnelle au sein du ministère de la Justice à un contrôle politique.

Le député du Likud, Moshe Saada, participant à une réunion de la commission spéciale à la Knesset, le 25 décembre 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Ce que disent les partisans : Le député Moshe Saada (Likud), un ancien chef adjoint de l’unité d’enquêtes internes, affirme que le transfert permettrait d’éviter les conflits d’intérêts, car la police et le bureau du procureur de l’État travaillent souvent en étroite collaboration, ce qui rend difficile l’indépendance des enquêtes.

Ce que disent les critiques : Les critiques affirment que ce changement permettrait au ministre de la Justice d’ordonner des enquêtes contre la police ou les procureurs en représailles pour avoir enquêté ou poursuivi des alliés politiques. Cette préoccupation est soulevée dans le contexte des efforts considérables déployés par le Likud pour discréditer la police et les procureurs, en relation avec leur enquête et l’inculpation ultérieure de Netanyahu dans trois affaires de corruption.

Netanyahu est toujours en procès et soutient être innocent, affirmant que les accusations ont été fabriquées par une force de police et un ministère public motivés par des considérations politiques, soutenus par des politiciens et des médias de gauche, ainsi que par une Procureure générale faible.

Le bureau de la Procureure générale a critiqué la tentative de dépouiller son unité d’enquête policière, estimant qu’elle portait atteinte à son professionnalisme.

Où en est la législation : Le projet de loi d’initiative parlementaire présenté par Saada a passé sa lecture préliminaire le 22 février et est en préparation en commission.

Autres changements signalés par la coalition 

Plusieurs autres parties du paquet de réformes doivent encore être présentées au plénum. Il s’agit notamment des éléments suivants.

Transformer les conseillers juridiques et leurs conseils d’autorités professionnelles en postes de confiance discrétionnaires : Actuellement, les conseillers juridiques des ministères préservent leur indépendance en étant professionnellement subordonnés au Procureur général. Les ministères, dirigés par des politiciens, sont liés par leurs avis. Les ministères doivent également être représentés par leurs conseillers juridiques.

Le projet de loi, qui a été présenté à la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice mais qui est actuellement en attente, permettrait aux ministres de nommer leurs propres conseillers juridiques et rendrait les avis des conseillers juridiques des ministères et du Procureur général non contraignants pour les ministres et le cabinet.

Le gouvernement pourrait également être représenté par des avocats de son choix, ce qui permettrait d’étayer plus solidement ses positions en conflit avec les avis juridiques de l’État.

Limiter la notion juridique du « caractère raisonnable » : Levin a fait pression pour annuler la notion juridique du « caractère raisonnable », avec laquelle les juges peuvent évaluer et invalider les décisions du gouvernement ou du secteur public comme étant déraisonnables.

Rothman, en revanche, propose d’interdire uniquement l’application à l’encontre des élus.

La notion juridique du « caractère raisonnable » a été récemment utilisée pour s’opposer à la double nomination ministérielle de Deri, à la lumière de sa récente condamnation pour fraude fiscale.

Promulguer un mécanisme permettant à la Knesset de rétablir les lois rejetées par le tribunal, connu sous le nom de clause dite « dérogatoire » : Contrepartie de l’immunité de préemption, cette mesure permettrait à la Knesset de légiférer à nouveau sur des lois jugées inconstitutionnelles par le tribunal.

Bien que le nombre spécifique de députés requis pour une telle dérogation soit toujours litigieuse, les propositions actives vont de l’octroi de ce pouvoir à la Knesset avec une simple majorité de 61 députés, comme appuyé par Levin, à une super-majorité de 80 députés, suggérée par Gantz.

Faire passer les nominations du président et du vice-président de la Cour suprême sous contrôle politique : Plutôt qu’une nomination par la Cour, suivant un précédent de respect de l’ancienneté, Levin a proposé de transférer la sélection du président de la Cour – qui détermine quels juges et combien d’entre eux traiteront les affaires – directement aux mains des politiciens.

Jeremy Sharon a contribué à cet article.

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