Les livres de l’été du Times of Israël en français
À l’occasion de la saison estivale, la rédaction présente à ses lecteurs quelques-unes des dernières sorties concernant de près ou de loin Israël, le Moyen-Orient ou le monde juif
Dov Alfon, Ginette Kolinka, Lea Veinstein… Le Times of Israël en français a, cette année encore, interviewé plusieurs auteurs et conseillé de nombreux ouvrages – essais, romans et autres. A l’occasion de la saison estivale, la rédaction présente à ses lecteurs quelques-unes des dernières sorties concernant de près ou de loin Israël, le Moyen-Orient ou le monde juif. Des lectures pas toujours joyeuses – à l’image de l’histoire du peuple juif – mais toujours passionnantes. Bon été littéraire !
Les Douze piliers d’Israël – Georges Ayache
Ancien diplomate, universitaire et désormais avocat et auteur prolifique d’ouvrages historiques, Georges Ayache dresse dans ce volume de 425 pages un large résumé de l’histoire d’Israël à travers douze de ses grandes figures.
Pourquoi douze ? On est tentés de croire qu’il s’agit là d’un hommage aux douze tribus d’Israël – même si les douze « piliers » dont l’histoire est narrée là sont tous ashkénazes –, ou aux douze apôtres. Ainsi, de Theodor Herzl, décrit comme un « Moïse des temps modernes », à Shimon Peres, en passant par Vladimir Jabotinsky, Moshe Dayan ou encore Golda Meïr, le lecteur en apprend davantage sur les douze « apôtres » de l’État d’Israël, qui ont transformé le rêve juif millénaire d’un État-nation en réalité. Cela grâce à l’exceptionnelle abnégation de ces personnalités au destin unique, qui ont longtemps agi de façon individuelle, sans même – et pendant longtemps – recevoir de véritable soutien de la part de leurs co-religionnaires.
Si certaines figures du livre sont bien connues – on peut regretter que seules douze aient été reprises –, d’autres comme Abba Eban, ministre des Affaires étrangères de 1966 à 1974, ou Isser Harel, directeur du Mossad de 1952 à 1963, demeurent plus mystérieuses. Le livre s’adresse ainsi à un large public, autant à ceux qui s’intéressent de loin au Moyen-Orient qu’aux aguerris de l’histoire du sionisme. Il permet de mieux comprendre la création de l’État d’Israël, son histoire, mais aussi et surtout les enjeux contemporains – politiques, géopolitiques, démographiques, culturels et économiques – auxquels fait aujourd’hui face le pays. Par ce livre, Georges Ayache amène à la question : qui sera le treizième pilier dont Israël a désormais besoin afin de répondre à ces défis amenés par ses pères fondateurs ?
L’ouvrage est plus que jamais d’actualité alors que, en Israël comme ailleurs, « le présent comme le désir de vivre tendent à effacer le passé et la mémoire commune » chez les jeunes générations. Le livre tente ainsi de faire perdurer l’héritage et la mémoire d’un Israël des kibboutzim quasi-disparu. « Israël se banalise et, au fil de sa normalisation, disparaissent logiquement héros et visionnaires », remplacés par des hommes politiques loin d’avoir la « même stature politique que leurs prédécesseurs », conclut Georges Ayache.
25 euros, disponible en librairie, publié aux Editions Perrin
Treblinka 1942-1943 : Une usine à produire des morts juifs dans la forêt polonaise – Michal Hausser-Gans
« Auschwitz ce n’était rien, Auschwitz c’était un camp de vacances. » La phrase pourrait paraître provocante et négationniste. Il n’en est rien. Elle a été prononcée par Hershl Sperling, l’un des quelques rares survivants du plus effroyable des camps nazis : Treblinka, sujet d’étude – et de thèse – de Michal Hausser-Gans, historienne franco-israélienne et chercheuse attachée à Yad Vashem.
Dans cet important ouvrage, probablement le plus complet jamais écrit sur le camp de Treblinka, l’auteure revient sur l’histoire barbare et effrayante de l’endroit et de ceux qui ont eu le malheur d’y être déporté. Là-bas, près d’un million d’individus ont péri – principalement des Juifs polonais –, sur une période d’un peu plus d’un an.
Page après page, Hausser-Gans conduit littéralement le lecteur dans les tréfonds de l’enfer. Son étude très fouillée, inédite, basée sur de nombreuses sources – la liste en fin d’ouvrage est impressionnante – décrit avec précision toutes les étapes de l’existence du camp et son fonctionnement. Elle s’interroge également sur les transformations au sein du camp au cours de ses quelques mois d’existence, changements qui n’ont qu’un seul but : améliorer toujours plus la machine de mort industrielle nazie.
Si le camp se distingue par son efficacité dans le projet nazi de mise à mort des Juifs, il se démarque aussi par une « impossibilité de rendre compte ». Et pour cause : Treblinka n’a compté que peu de survivants et les nazis ont fait en sorte d’œuvrer dans la plus grande discrétion et de détruire les preuves de leur entreprise criminelle à grande échelle. Ainsi, dès la fin 1943, le site était déjà redevenu une exploitation agricole.
Malgré l’effroi qu’il provoque, l’essai se conclut par des symboles d’espoir, avec la narration des actes de résistance et de la révolte menés au sein du camp, qui provoquera son démantèlement. Il se termine également par la publication du témoignage inédit d’un déporté.
Une lecture qui permet de perpétuer le souvenir de ces victimes quelque peu oubliées : si Auschwitz est devenu le symbole de la Shoah, les autres camps n’ont pas fait l’objet d’une telle attention, pourtant primordiale.
Au moment de refermer le livre, dont la lecture peut sembler éprouvante, résonne encore la dédicace de Hausser-Gans : « A tous ceux de Treblinka et aux gardiens de leur mémoire en défi aux Maîtres de la Mort. »
17,99 euros, disponible en librairie, publié aux Editions Calmann-Lévy
Commandos de Légende : ces opérations militaires qui ont marqué l’histoire – Le Figaro Enquêtes
Parmi plusieurs grandes opérations militaires menées à travers le monde, la rédaction du Figaro revient dans ce hors-série estival sur « l’opération Thunderbolt », l’assaut de soldats israéliens sur l’aéroport d’Entebbe, en Ouganda, le 3 juillet 1976 – mission qui semble être tout droit sortie d’un film.
Ce jour-là, 104 otages – 75 Israéliens et l’équipage, mené par Michel Bacos, décédé en mars dernier et qui a agi en héros – sont retenus par le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Leur avion, détourné, effectuait la liaison entre Tel Aviv et Paris. La mission, grand succès d’Israël, verra la mort d’un soldat – Yonathan Netanyahu, frère de l’actuel Premier ministre – et de quatre otages israéliens.
Si l’évènement est bien connu et est resté gravé dans les mémoires, autant en France qu’en Israël, le reportage fourmille de détails. Il décrit ainsi comment, par son plan d’action, l’unité d’élite Sayeret Matkal est parvenue à libérer les otages sans provoquer de bain de sang, mais revient également sur le contexte politique délicat de l’opération terroriste, soutenue par le gouvernement ougandais, et qui survient après déjà plusieurs prises d’otages contre des avions en direction ou en provenance d’Israël.
Le dossier se conclut par une interview du lieutenant-colonel Moshe « Muki » Betser, aujourd’hui âgé de 73 ans, qui a mené l’assaut avec Yonathan Netanyahu, et par un éditorial de Jean d’Ormesson intitulé « Une leçon de courage », publié au lendemain de cette opération complètement folle.
« Israël vient de donner au monde entier, et plus particulièrement à l’Occident qui en avait besoin, une leçon magistrale », introduisait l’homme de lettres. Une « leçon » qui a participé à la renommée et à la redoutable réputation des soldats d’élite de l’armée israélienne.
12,90 euros, disponible en kiosque et sur la boutique en ligne du Figaro
Toujours plus de livres…
Incontournable de l’année, dont le Times of Israël vous a parlé ici et là, Unité 8200 de Dov Alfon remet au goût du jour les intrigues classiques de James Bond à l’ère du cyber-espionnage. Best-seller en Israël, ce thriller au rythme fou est une plongée au cœur des plus importants services de sécurité français et israéliens.
Toujours dans le domaine sécuritaire – mais militaire et, cette fois, bien réel –, nous vous conseillons également David Galula et la théorie de la contre-insurrection, biographie de Driss Ghal sur ce Juif français originaire de Tunisie, théoricien militaire qui a fortement influencé – et qui influence toujours – les stratégies de guerre de l’armée américaine.
Afin de compléter la lecture de l’essai de Michal Hausser-Gans sur Treblinka : Retour à Birkenau de Ginette Kolinka ; Isaac de Léa Veinstein, qui a enquêté sur la vie de son arrière-grand-père rabbin, qui officia à Neuilly sous l’Occupation ; ou encore Comme ils vivaient, une enquête sur le génocide méconnu des Juifs de Lituanie co-écrite par le journaliste Pierre Péan, décédé ces derniers jours.
En début d’année, afin de célébrer le centenaire de la naissance de Primo Levi, auteur de Si c’est un homme, les éditions Robert Laffont ont elles publié ses entretiens diffusés à la radio ou parus dans la presse écrite.
A (re)lire également : l’œuvre de Jean-Claude Grumberg, récemment récompensé par le Grand prix de la Société des gens de lettres. Fils et petit-fils de déportés, le traumatisme de la Shoah a accompagné une grande partie des ouvrages de Grumberg.
Parmi les récentes sorties d’auteurs francophones, on retrouve aussi Un temps pour haïr de Marc Weitzmann, enquête sociologique et politique sur les réseaux de la terreur et de la haine en France et Réflexions sur la question antisémite de Delphine Horvilleur, l’une des trois femmes rabbins en France, qui explore la façon avec laquelle la haine des Juifs peut être interprétée à partir des textes fondateurs et de la littérature rabbinique.
Auteur de nombreux livres, Marek Halter a lui sorti ses mémoires, Je rêvais de changer le monde, en début d’année. Le militant de la paix revient ainsi sur son parcours, depuis ses jeunes années à Varsovie jusqu’à aujourd’hui. Conteur « porté par une foi absolue dans le pouvoir du verbe, de la parole, du dialogue », il a rencontré de nombreux leaders de la planète tout au long de sa vie.
Autre biographie à ne pas manquer : celle de Jean Kahn, ancien président du CRIF et du Consistoire de Strasbourg, figure du judaïsme français et européen, décédé en 2013.
À noter aussi la sortie de l’ouvrage Juifs et Chrétiens, les promesses d’un dialogue de Raphy Marciano, avec une préface posthume de Elie Wiesel.
Autres ouvrages historiques à découvrir : Les Secrets de l’affaire ‘J’accuse’ de l’avocat Emmanuel Pierrat et L’homme au complet blanc de Lucette Matalon Lagnado, grande reporter au Wall Street Journal décédée début juillet, qui racontait l’histoire de sa famille juive égyptienne exilée.
Toujours en Egypte : The Last Watchmen of Old Cairo (en anglais) de Michael David Lukas, qui a, comme Lucette Matalon Lagnado, reçu le prix Sami Rohr de littérature juive et sa dotation de 100 000 dollars en début d’année. Œuvre de fiction historique, le livre traite de l’ancienne vie juive au Caire, alors qu’il reste seulement cinq Juifs dans la ville.
À ne pas manquer également : Dans les bagnes du tsar de H. Leivick, chef d’œuvre yiddish traduit par Rachel Ertel interviewée il y a peu ; les ouvrages de l’Américaine Joyce Carol, qui a remporté le prix Jérusalem 2019 ; Borges, Judaism and Israel de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges dans lequel il explore ses liens avec le monde juif, son amitié avec David Ben Gurion et ses visites en Israël ; ou encore Une faim d’abîme de Betty Rojtman, professeure émérite de l’Université hébraïque de Jérusalem qui s’est interrogée sur la fascination pour la mort dans la pensée contemporaine.
Cet été pourra aussi être l’occasion de se replonger dans l’œuvre de l’écrivain juif « insaisissable » Romain Gary, entré dans la Pléiade au printemps dernier.
Le Times of Israël traitera dans les prochaines semaines des ouvrages de la rentrée littéraire.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel