Pourquoi la démocratie israélienne est en danger
La coalition cherche à octroyer toujours plus d'autorité à Netanyahu au détriment des gardiens du temple - avec parmi eux le système judiciaire, la police, le Shin Bet et les médias libres
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Israël n’a pas de constitution pour soutenir son éthique fondamentale d’État démocratique et de nation à majorité juive, une constitution qui permettrait aussi de garantir les droits et les libertés les plus élémentaires de ses citoyens. L’État juif n’a pas non plus trois branches de gouvernement distinctes – simplement une branche exécutive et un système judiciaire dans la mesure où tout ce qui est législatif est contrôlé de manière écrasante par la majorité qui se trouve au pouvoir.
Aujourd’hui, près de deux ans après son retour au pouvoir – un retour qui a été immédiatement suivi par une tentative non-dissimulée de soumettre le système de la justice israélien à ses desiderata – la coalition de droite, d’extrême-droite et ultra-orthodoxe de Benjamin Netanyahu s’efforce de concentrer toujours plus d’autorité entre les mains du gouvernement et ce, au détriment des gardiens de notre démocratie et de tous les garants de l’État, de la sécurité et de la société civile : le système judiciaire, la police, le parquet, le bureau de la procureure-générale, l’armée israélienne, le Shin Bet et les médias.
De plus, au sein de cette coalition – y compris dans les instances gouvernementales les plus importantes, comme le cabinet de sécurité – les pouvoirs sont de plus en plus centralisés entre les mains du Premier ministre lui-même. En interne, opposants et dissidents sont repoussés à la marge ou, comme cela a été le cas avec le ministre de la Défense Yoav Gallant, le mois dernier, ils sont carrément mis sur la touche.
Les inquiétudes que je vais soulever dans ce texte ne sont pas exhaustives, et elles ne sont pas présentées ici par ordre de gravité. Toutefois, tous les faits évoqués sont réels et ils sont en train de se dérouler en ce moment-même.
1. L’insistance mise sur l’exemption de service militaire du secteur de la population qui augmente le plus rapidement
Netanyahu et la quasi-totalité des membres de sa coalition font tout ce qui est en leur pouvoir pour maintenir en place l’exemption de service militaire et de tout autre service national en direction des hommes issus de la communauté haredi – une exemption qui n’est en rien démocratique, qui est inégalitaire, intenable et qui est, de surcroît, destructrice pour la société. Alors que la guerre que mène Israël sur de multiples fronts est entrée dans son quatorzième mois, alors que les forces de Tsahal et les réservistes sont poussées à leurs ultimes limites, voire au-delà et alors que l’armée a désespérément besoin de soldats, le Premier ministre refuse avec obstination de mettre un terme à une aberration qui dure depuis des décennies, une aberration qui est également une perversion des principes juifs.
Afin de conserver sa coalition intacte, il choisit d’insister sur le fait que ce sont les Israéliens non-ultra-orthodoxes qui porteront le poids supplémentaire du fardeau militaire découlant de cette insoumission de masse supervisée par l’État, et il insiste également sur l’importance de subventionner ce secteur de la jeunesse ultra-orthodoxe qui se refuse à intégrer la main-d’œuvre nationale.
(Yitzhak Goldknopf, à la tête de la faction Yahadout HaTorah, n’a pas fait son service au sein de l’armée ; Aryeh Deri, dirigeant du deuxième parti haredi de la coalition, le Shas, a servi au sein de Tsahal pendant trois mois. Le leader de Hatzionout HaDatit, Bezalel Smotrich, ministre des Finances qui occupe un poste de ministre subalterne au sein du ministère de la Défense, n’a fait qu’une très courte apparition dans les rangs des militaires. Et le chef d’Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir, qui a sous son contrôle la Police des Frontières paramilitaire, n’avait pas été incorporé au sein de Tsahal à cause de ses activités extrémistes de droite.)
2. La relance de la prise de contrôle du système judiciaire par l’exécutif
Netanyahu continue d’encourager la croisade obsessionnelle qui a été lancée par son ministre de la Justice, Yariv Levin, une croisade qui vise à faire plier le système judiciaire, le soumettant à la volonté et aux caprices de la majorité au pouvoir. Nullement impressionnés par le fait – prouvé – que le Hamas et les autres ennemis d’Israël, soutenus par l’Iran, avaient été enhardis par les déchirements internes qui avaient été suscités en Israël par la mal nommée « réforme judiciaire », le projet avancé par Levin avant le 7 octobre 2023, le ministre de la Justice et ses collègues tentent dorénavant de dégeler un projet de loi qui bouleverserait le système en profondeur – la coalition ayant bien l’intention d’exercer un contrôle quasi-total sur le choix et sur la promotion de tous les juges, et de limiter radicalement la capacité de la Cour suprême à intervenir dans les projets de loi et dans les décisions prises par le gouvernement.
Tout en œuvrant à relancer cette législation, Levin a empêché le vote qui aurait permis d’élire un nouveau président à la Cour suprême depuis plus d’un an – la présidente précédente de la plus haute instance judiciaire d’Israël, Esther Hayut, avait pris sa retraite au mois d’octobre 2023 – contrevenant à un jugement émis par le tribunal qui imposait la désignation immédiate d’un nouveau chef. Après avoir reçu l’ordre, par les magistrats, de réunir la commission de sélection des juges, Levin s’est exécuté avec réticence, la semaine dernière – mais il a encore une fois refusé d’appeler à un vote qui aurait permis de trouver un successeur à Hayut dans la mesure où il s’oppose à l’élection d’Isaac Amit, un libéral, le favori dans cette course.
3. Le limogeage de la procureure-générale en ligne de mire
Le mois dernier, Netanyahu a exhorté Levin à trouver « une solution » pour le débarrasser de la procureure-générale, Gali Baharav-Miara – elle est la principale conseillère juridique du gouvernement – dont le crime a été de mettre en garde le gouvernement lorsque ses politiques et ses actions ont outrepassé les limites de la légalité. (Baharav-Miara s’est, soit dit en passant, opposée aux requêtes déposées devant la Cour suprême qui exigeaient que Netanyahu se retire de ses fonctions lors de son témoignage dans son procès pour corruption ; elle a soutenu la poursuite de la guerre à Gaza par Tsahal et elle a statué que Netanyahu avait eu le droit de renvoyer son ministre de la Défense). Le ministre des Communications de Netanyahu, Shlomo Karhi, tire une grande fierté des signatures qu’il a recueillies auprès des autres ministres dans le cadre de sa pétition en faveur du renvoi de Baharav-Miara – un limogeage qui permettrait de remplacer cette personnalité gênante par une personnalité sans nul doute plus souple et plus malléable.
4. La centralisation des pouvoirs dans les mains du Premier ministre
Netanyahu œuvre sans relâche à s’emparer de tous les pouvoirs officiels – cherchant également à débarrasser tout le leadership politique des éventuels dissidents et de tous ceux qui seraient susceptibles de le défier. Une démarche qui a atteint son paroxysme, le mois dernier, lorsqu’il a renvoyé Gallant.
Netanyahu avait temporairement limogé son ministre de la Défense au mois de mars 2023 – Gallant avait eu l’outrecuidance de mettre en garde contre les dangers en matière de sécurité qui étaient posés par les clivages, au sein de la société israélienne, qui étaient entraînés par le plan de refonte radicale du système judiciaire avancé par la coalition. Gallant avait retrouvé son poste sous la pression de la rue, qui était sortie manifester en masse. Cette fois-ci – Gallant s’était publiquement opposé à la politique d’exemption de service militaire des Haredim, il avait plaidé en faveur d’un accord sur les otages même au prix de la fin de la guerre à Gaza, et il avait réclamé la mise en place d’une commission d’enquête d’État qui aurait examiné les échecs ayant mené au pogrom commis par le Hamas, le 7 octobre 2023 – le Premier ministre a limogé sans préavis cet ancien général expérimenté, le remplaçant par l’ultra-loyaliste Israel Katz, une personnalité sans aucune expérience significative en matière de défense et de sécurité mais qui ne le défiera jamais, et Netanyahu le sait.
Venant souligner à quel point Netanyahu est devenu puissant, son cabinet de sécurité a voté, la semaine dernière, en faveur du cessez-le-feu finalisé avec le Hezbollah au Liban – à dix voix contre une seule – Smotrich lui-même approuvant cet accord controversé. De son côté, Ben-Gvir – le seul qui a voté contre – s’est, cette fois-ci, abstenu des menaces qu’il profère habituellement pour marquer son mécontentement et son désaccord et il n’a pas mis en garde contre un possible effondrement du gouvernement.
5. La marginalisation du corps diplomatique
Netanyahu a nommé comme successeur de Katz au ministère des Affaires étrangères Gideon Saar – qui est sûrement le politicien israélien le moins crédible entre tous les autres, un ancien ministre du Likud qui avait défié Netanyahu à la tête du parti et qui avait quitté ce dernier quand il avait perdu. Il avait, on s’en souvient, exhorté les électeurs à ne pas soutenir sa formation ridiculement nommée Tikva Hadasha – Nouvel Espoir – s’ils voulaient continuer à voir Netanyahu au pouvoir avant de rejoindre ce dernier, de partir à nouveau et de revenir pour intégrer la coalition actuelle.
Netanyahu a marginalisé le ministère des Affaires étrangères tout au long de ses 17 années passées au poste de Premier ministre – il est resté méfiant face à un corps diplomatique robuste et indépendant, et il a voulu superviser lui-même les relations diplomatiques les plus déterminantes pour Israël, ainsi que les efforts livrés par le pays en matière de diplomatie publique. Le ministère des Affaires étrangères est resté sous-financé et marginalisé tout au cours de la guerre actuelle, tandis que l’Administration nationale de la diplomatie publique, placée sous l’autorité du cabinet du Premier ministre, n’est pas parvenue à réagir en temps réel à l’évolution de la guerre ni à créer, à diffuser un discours de diplomatie publique efficace au niveau mondial.
6. La prise pour cible des médias indépendant et critiques
Sous la direction de Netanyahu, la coalition s’efforce d’intimider, de marginaliser et, dans certains cas, de museler totalement les médias qui se refusent à la flatterie. Elle a décidé qu’aucune annonce gouvernementale ne serait publiée dorénavant dans le quotidien Haaretz, un journal de gauche, après des propos tenus par son éditeur qui avait qualifié les terroristes palestiniens de « combattants de la liberté ». Elle s’apprête aujourd’hui à privatiser – voire à démanteler – l’autorité de radiodiffusion israélienne indépendante qui est financée par l’État et elle se prépare à couper le micro de la radio militaire.
La Quatorzième chaîne, une chaîne pro-Netanyahu et une étoile montante dans le paysage audiovisuel israélien, dénigre régulièrement les opposants à la coalition, colportant des théories du complot pour le compte de cette dernière – elle s’en prend notamment aux responsables de Tsahal et à l’agence de sécurité du Shin Bet. La section « commentaires » de son site internet regorge de publications incendiaires visant des personnalités de l’opposition et des chefs de la sécurité. il y a même eu des appels à l’exécution du chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi.
7. L’évitement des médias non-loyalistes
Le Premier ministre n’accorde pas d’interviews aux médias locaux peu obséquieux à son égard – à ceux qui le mettraient au défi au nom des électeurs qui lui ont confié leur destin national et individuel.
8. La brutalisation de la police, à l’image de son ministre
Ben Gvir, le ministre de la Sécurité nationale, est un voyou qui a souvent été condamné par le passé et c’est un raciste anti-arabe. Il est en train de refaçonner inexorablement la police nationale qu’il a la charge de superviser à son image, une image violente et suprématiste juive. Il a accordé des postes et des promotions à ses loyalistes – depuis le plus bas de la hiérarchie jusqu’à son sommet. Il a renvoyé et marginalisé ceux qui voulaient le défier et il a brutalisé les forces de police. C’est ce qu’illustre le changement d’attitude des policiers lors des manifestations – ils protégeaient, dans le passé, les mêmes protestataires qu’ils dispersent violemment aujourd’hui, même s’il s’agit des proches des otages et de leurs soutiens.
La semaine dernière, un nouveau scandale a éclaté au sein de l’administration pénitentiaire – dont il a également la charge – et un commissaire qu’il avait nommé a été interrogé pendant des heures, soupçonné d’abus de confiance et d’obstruction à la justice dans le cadre d’une affaire dont les détails sont actuellement couverts par une ordonnance de non-publication.
9. Le discrédit jeté sur l’agence de sécurité du Shin Bet
Netanyahu attaque actuellement avec virulence le Shin Bet – l’agence de sécurité intérieure qui lui rend directement des comptes – et son chef Ronen Bar. Il y a dix jours, le Premier ministre s’est laissé aller à une longue diatribe dans un enregistrement vidéo, affirmant que l’agence avait détourné le regard de nombreuses fuites émanant de documents sensibles émanant des réunions du cabinet et de ses éventuelles consultations sécuritaires, mais qu’il s’était hâté lorsqu’il avait fallu ouvrir une enquête qui a abouti à la mise en examen de l’un de ses collaborateurs, Eli Feldstein, qui a été mis en cause dans le cadre de graves accusations liées à la sécurité nationale.
Il a également affirmé que Feldstein et un autre homme qui est, lui aussi, inculpé dans cette affaire – une affaire qui concerne le vol de documents classifiés, hautement sensibles auprès des services de renseignement militaire et leur fuite auprès d’un média – avaient été traités comme « les pires terroristes » dans le cadre des investigations, dans le but de les obliger à incriminer directement le Premier ministre. Il aussi dit avec conviction que Feldstein et d’autres suspects dans cette affaire avaient fait en sorte d’obtenir les documents concernés parce que les responsables des instances de sécurité lui cachaient délibérément des renseignements pourtant vitaux.
En fait, comme Bar l’a précisé dans une lettre extraordinaire qui a fait la Une des journaux télévisés, le Shin Bet a ouvert des enquêtes dans le cadre de 19 incidents de fuites illégales présumées depuis le 7 octobre 2023. De plus, les enquêteurs du Shin Bet n’avaient a-priori aucun moyen de savoir que leurs investigations dans l’affaire Feldstein – elles avaient commencé quand l’armée s’était tournée vers l’agence pour déterminer comment un document top secret avait pu se retrouver dans les pages du journal allemand Bild – les mèneraient jusqu’aux bureaux du Premier ministre.
Bar a établi clairement que les suspects – que ce soit dans le cadre du dossier Feldstein ou dans toutes les autres enquêtes de ce type – faisaient l’objet d’interrogatoires respectueux des droits, sous le contrôle à la fois de la justice et de mécanismes extérieurs. Et, sans nommer Netanyahu, il a dénoncé ceux qui propagent actuellement des théories du complot dans ce dossier, évoquant « des personnes qui ont des intérêts particuliers » et qui cherchent à « affaiblir et à ôter toute légitimité aux organisations qui se battent pour défendre » Israël.
L’affirmation faite par Netanyahu, qui avait dit que Feldstein et d’autres suspects dans cette affaire avaient volé les documents dans le but de porter à son attention des informations vitales qui lui étaient cachées, semble ne pas avoir tenu compte du fait que, selon ses propres dires, il n’avait jamais eu connaissance de ces renseignements.
Selon l’acte de mise en examen, le document révélé par Bild avait été volé à l’armée israélienne et transmis à Feldstein au mois de juin. Ce dernier l’avait conservé pendant deux mois et il avait commencé à essayer de divulguer son contenu après l’assassinat de six otages qui avaient été exécutés par leurs ravisseurs du Hamas, à la fin du mois d’août – alors que des centaines de milliers d’Israéliens manifestaient pour dénoncer l’incapacité du Premier ministre à faire avancer un accord sur les otages. Il avait pris la décision de révéler le document au grand public parce qu’il estimait que les informations présentes dans le fichier pourraient appuyer l’argument qui était alors avancé par le Premier ministre, qui attribuait l’impasse dans les pourparlers sur un accord à l’intransigeance du Hamas. Et il est vrai que Netanyahu avait fait référence au reportage de Bild dans le sillage immédiat de sa publication.
Lorsque la nouvelle de l’enquête sur le vol et la fuite de documents avait été révélée, au début du mois de novembre, le bureau du Premier ministre avait annoncé que ce dernier avait appris l’existence du document par le biais des médias.
Plusieurs anciens hauts responsables du Shin Bet ont dénoncé les attaques cinglantes de Netanyahu à l’encontre de l’agence, faisant part de leurs craintes que le Premier ministre en vienne à prendre des mesures pour renvoyer Bar. Un ancien chef de l’agence qui avait été nommé par Netanyahu à l’époque, Yoram Cohen, a déclaré que le Premier ministre adoptait « un comportement odieux » visant à discréditer l’agence. Un autre, Tamir Pardo, l’a fustigé pour avoir accusé le Shin Bet de « trahison » tandis que Yisrael Hasson, un ancien numéro deux de l’agence, a averti que le Premier ministre voulait placer au Shin Bet des personnes « qui serviront le roi, et non le royaume », affirmant que « nous ne sommes plus qu’à quelques semaines » de « perdre le pays, une perte qui viendra de l’intérieur ».
10. La mise en place d’un mécanisme de contrôle des services de renseignement
Même si le Shin Bet et le Mossad mènent tous les deux leurs opérations sous l’autorité directe du Premier ministre, la coalition a proposé une législation qui vise à établir un nouvel organisme de contrôle des services de renseignement et qui sera placé sous l’autorité du Premier ministre. Il sera en droit de demander des informations de renseignement à toutes les instances de renseignement… ou à toute autre institution publique » – y compris à la branche du renseignement militaire de Tsahal, au Shin Bet, au Mossad et au Conseil de sécurité nationale.
Soulignant les inquiétudes autour de ce projet – qui, selon ses détracteurs, vise à créer un organisme qui aurait un plus grand pouvoir que les agences de sécurité existantes, avec des employés qui conserveraient une loyauté totale à l’égard du Premier ministre – il sera interdit à cette nouvelle instance d’employer toute personne ayant servi dans une agence de renseignement au cours des deux années précédentes.
11. La protection des suspects qui volent des informations classifiées
Le gouvernement propose actuellement la dite « loi Feldstein », qui accorderait l’immunité face à d’éventuelles poursuites judiciaires aux soldats et aux autres membres de l’establishment de la Défense qui communiqueraient des renseignements classifiés au Premier ministre ou au ministre de la Défense sans autorisation préalable.
Ce titre donné au texte, la « loi Feldstein, » est une erreur d’appellation. Feldstein ne serait pas couvert par les dispositions du texte – il n’est pas un soldat, et il n’a pas donné le matériel qu’il a obtenu au Premier ministre ou au ministre de la Défense.
Le projet de loi semble conçu, au moins en partie, pour soutenir l’accusation lancée par Netanyahu à l’encontre des services de renseignement – qu’il supervise pourtant – lorsqu’il affirme que ces derniers lui cachent délibérément des informations vitales. Un argument qui est un élément déterminant de la défense qu’il avance, ainsi que ses partisans, alors qu’il s’efforce d’échapper à la responsabilité ultime des échecs qui ont entouré le pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre – et de faire porter le chapeau à l’armée et aux services de sécurité, qui n’avaient pas su prévenir la catastrophe.
12. Une utilisation sélective de la détention administrative
L’une des premières mesures à avoir été prises par le nouveau ministre de la Défense, Israel Katz, a été d’interdire le recours à la détention administrative à l’encontre des partisans du mouvement pro-implantations et autres extrémistes de droite pour des actes de terrorisme présumés, tout en maintenant cette pratique à l’encontre des suspects palestiniens – ce qui rend plus difficile, pour les autorités, de traduire les auteurs de ces actes anti-palestiniennes et anti-arabes devant les juges.
13. Le renforcement des difficultés pour les candidats arabes à la Knesset
La coalition prône actuellement un projet de loi qui permettrait d’empêcher plus facilement les partis et les députés arabes de se présenter aux élections. Proposée par Ofir Katz, qui est membre du Likud et président de la coalition, cette loi modifierait la « Loi fondamentale : La Knesset » – qui établit que les candidats à la Knesset peuvent actuellement être interdits de se présenter au parlement s’il existe un ensemble significatif de preuves attestant du fait qu’ils ont apporté leur soutien au terrorisme. Dorénavant, cette interdiction pourrait s’étendre à tout individu dont les actes sont susceptibles de pouvoir être interprétés comme une manifestation de soutien au terrorisme – rendre visite à la famille d’une personnes soupçonnée de terrorisme, par exemple.
La Commission permettrait, de plus, à la Commission centrale électorale – qui est composée de députés et qui est supervisée par un juge de la Cour suprême – d’interdire une éventuelle candidature sans nécessité d’obtenir l’assentiment de la Haute Cour de justice, comme c’est le cas actuellement.
14. L’octroi aux députés d’une immunité quasi-totale contre les poursuites pénales
Les ministres proposent aussi une législation qui accorderait aux députés une immunité très élargie contre d’éventuelles poursuites judiciaires. Proposée par Tally Gotliv, membre du Likud, cette loi interdirait d’engager des poursuites civiles ou d’ouvrir des enquêtes sur les parlementaires – à moins que la Knesset ne détermine, avec le soutien de 90 des 120 députés, que les activités mises en cause n’ont pas été menées par le législateur dans le cadre de ses fonctions.
La procureure-générale a prévenu que ce texte transformerait l’immunité parlementaire « en un bouclier de facto contre les enquêtes et les poursuites pénales, et contre les poursuites civiles ». Gotliv, qui est actuellement au cœur d’un procès pour diffamation qui a été intenté par Shikma Bressler, une militante de premier plan au sein du mouvement de protestation anti-gouvernemental – la députée du Likud avait fait le lien entre Bressler et le Hamas – a rétorqué que l’avertissement lancé par la procureure-générale « ne tient pas la route ».
15. Allégation de corruption dans la gestion par Tsahal de la guerre à Gaza
Moshe Yaalon, ancien chef de Tsahal et ministre de la Défense du Likud sous Netanyahu il y a dix ans, a récemment accusé l’armée israélienne de mener un « nettoyage ethnique » à Gaza et a affirmé qu’elle ne pouvait plus être qualifiée en toute bonne foi de « l’armée la plus morale du monde ».
Yaalon, connu pour son animosité personnelle marquée envers Netanyahu, a quitté le Likud et s’est allié à Benny Gantz, également ancien chef d’état-major et ministre de la Défense, dans le but de déloger le Premier ministre du pouvoir. Malgré cette animosité, Yaalon bénéficie d’une réputation d’intégrité largement reconnue par le public. Il a exprimé ses inquiétudes quant aux actions de Tsahal dans la bande de Gaza, déclarant qu’elles étaient fondées en partie sur des retours privés de commandants sur le terrain.
Yaalon a précisé que lorsqu’il évoquait un « nettoyage ethnique » et « ce qui est défini comme des crimes de guerre », il n’accusait pas Tsahal de massacres de masse à Gaza, mais plutôt « d’évacuer une population de son foyer ». Il a également expliqué qu’il ne doutait pas que Tsahal agisse en croyant exécuter des ordres légitimes émanant de la direction politique. Cependant, il a exprimé sa crainte que les responsables politiques à l’origine de ces ordres ne poursuivent des objectifs inavoués, notamment la préparation d’un retour des implantations juives dans la bande de Gaza.
Le président Isaac Herzog, Gallant et de nombreuses autres personnalités respectées et relativement consensuelles ont dénoncé les propos de Yaalon et rejeté ses accusations, tout comme Tsahal.
Et pourtant, les ministres d’extrême droite Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich poussent ouvertement en faveur d’un contrôle israélien à long terme de la bande de Gaza et de la reprise des implantations juives. Smotrich a même estimé publiquement que la moitié des 2,2 millions d’habitants de Gaza pourrait être « encouragés » à partir dans les deux ans. La semaine dernière encore, Ben Gvir a affirmé que Netanyahu montrait « une certaine ouverture » à l’idée « d’encourager la migration » des Palestiniens hors de la bande de Gaza. Par ailleurs, Daniella Weiss, figure influente du mouvement des implantations, a révélé que Tsahal lui avait permis de visiter Gaza à plusieurs reprises pour repérer des terrains en vue d’un éventuel retour des implantations juives.
16. Prévention de la tenue d’une enquête d’Etat sur la catastrophe du 7 octobre
Netanyahu refuse d’établir une commission d’enquête d’État pour examiner les échecs lies au massacre du 7 octobre par le Hamas et empêcher qu’un tel événement ne se reproduise. Une commission d’État est le seul organe doté de l’indépendance et des pouvoirs d’investigation nécessaires, mais Netanyahu s’y oppose, craignant que ses conclusions ne soient dévastatrices pour lui sur le plan personnel.
En réponse à une requête déposée devant la Cour suprême, Netanyahu a affirmé que les juges n’avaient pas le pouvoir de lui imposer la création d’une commission d’État. Il a également averti que toute tentative de la Cour en ce sens « réduirait à néant le principe de la séparation des pouvoirs ».
Une commission d’enquête civile a récemment conclu que Netanyahu avait constamment sapé le processus de prise de décision du gouvernement en matière de sécurité nationale, creusant un fossé entre les dirigeants politiques et militaires et laissant le pays non préparé au massacre du Hamas.
Au-delà de Netanyahu, le rapport de la commission accuse l’ensemble du gouvernement d’avoir « failli à sa mission première » et indique que l’armée israélienne, le Shin Bet et d’autres organismes « ont totalement échoué à remplir leur objectif fondamental : protéger les citoyens d’Israël ».
Cette commission civile, créée par des parents des victimes du pogrom du Hamas, est née du refus obstiné de Netanyahu d’autoriser une commission d’enquête d’État. Pendant quatre mois, elle a mené des audiences et interrogé environ 120 témoins, parmi lesquels d’anciens premiers ministres, des responsables de la défense et des officiers des services de renseignement.
17. Affirmer le « droit » au changement de régime
La semaine dernière, le ministre de la Justice, Karhi, a appelé à « abolir » la Haute Cour de justice pour la remplacer par une nouvelle instance judiciaire « dont les pouvoirs seraient définis par la Knesset » et qui ne « saperait pas les fondements de la démocratie ».
Karhi a également déclaré que le gouvernement avait le droit de procéder à un « changement de régime » et de rejeter des normes et procédures établies de longue date, arguant que son élection par le peuple lui conférait cette légitimité. « Nous sommes élus par les citoyens, il est donc de notre droit de changer de régime si nous le souhaitons », a-t-il affirmé.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel