Un dernier appel : « Monsieur le Premier ministre Netanyahu, arrêtez cette folie ! »
"Votre coalition se fracturera si vous ne renoncez pas. Écartez les extrémistes, affirmez votre sionisme et inversez les incroyables dégâts que vous êtes en train d'infliger"
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Cher Monsieur le Premier ministre Benjamin Netanyahu, ceci est un appel – un dernier, long et désespéré appel à votre patriotisme, à votre sionisme, à votre préoccupation pour votre place dans l’Histoire, à votre conscience : arrêtez cette folie !
Nous sommes maintenant à deux semaines de la date limite que votre gouvernement s’est fixée pour la promulgation d’un paquet de reformes judiciaires révolutionnaires que vous avez mis en œuvre, pour laquelle vous avez nommé un ministre de la Justice et un président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice ; vous avez formé une coalition afin de voter une loi et que vous défendez presque quotidiennement et de manière absurde comme renforçant notre démocratie – une législation qui, en réalité, brisera les principes fondamentaux d’Israël, fièrement affirmés dans la Déclaration d’Indépendance, en tant qu’État juif et démocratique tolérant, attaché à l’égalité et aux libertés individuelles.
Si vous ne tenez pas compte de l’appel du président Isaac Herzog à supprimer un ensemble de lois qui neutralisent la Haute Cour, le seul organe capable de défendre tous les droits fondamentaux contre leur piétinement par votre coalition dûment élue, nous marquerons Pessah cette année – la fête de la liberté – en tant que nation dont les libertés fondamentales ne seront plus protégées contre la tyrannie de votre majorité.
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Il n’y a pas d’explication acceptable à la voie que vous avez choisie de suivre depuis votre élection en novembre dernier, à la trahison de votre promesse « d’être un Premier ministre pour tous – pour ceux qui ont voté pour [vous] et pour ceux qui n’ont pas voté pour [vous] ».
Vous savez que ce pays ne pourra pas tenir s’il n’est plus démocratique. Certains de ses meilleurs cerveaux ne resteront pas ici. L’économie va s’effondrer. De nombreux contribuables ne toléreront pas une charge de plus en plus discriminatoire dans laquelle, entre autres choses, ils subventionneront un secteur ultra-orthodoxe en pleine croissance qui, en vertu de vos accords de coalition, sera exempté par la loi du service militaire ou national et éduqué en grande partie sans recevoir les compétences de base nécessaires pour contribuer à la main-d’œuvre, ses jeunes hommes étant financièrement incités à uniquement étudier la Torah à plein temps.
Et, ce qui est peut-être le plus alarmant, vous savez que de nombreux citoyens n’enverront plus leurs enfants servir dans l’armée d’un Israël qui ne sera plus un État démocratique juif.
La combinaison de la révolution judiciaire et des politiques qui se déploient et se déploieront une fois que la Cour aura été marginalisée – les projets de discrimination légalisée, d’annexion de la Cisjordanie et de l’expansion généralisée des implantations, d’attaque contre le judaïsme non orthodoxe, entre autres – détruisent les objectifs que vous vous êtes fixés en tant que Premier ministre. Les liens avec les États-Unis, essentiels pour qu’Israël puisse faire notamment face à la menace existentielle d’un Iran nucléaire, se distendent. Les Juifs de la Diaspora, que vous souhaitez représenter et qui veulent voir en Israël une source de fierté, un foyer potentiel et, dans certains cas, un refuge essentiel, sont en effervescence – à cause de la menace qui pèse sur la démocratie, de la menace qui pèse sur la Loi du retour, de la menace qui pèse sur le pluralisme religieux. Les investissements dans l’économie technologique que vous avez contribué à développer et dont vous savez qu’Israël doit assurer la pérennité sont menacés, car la confiance des étrangers dans l’État de droit et la stabilité d’Israël s’amenuise. Vos propres projets, souvent déclarés, d’élargir le cercle de la paix régionale, notamment pour y inclure l’Arabie saoudite, s’évaporent au fur et à mesure que le conflit palestinien s’aggrave et que les partenariats existants s’érodent. Le président Biden ne vous invitera même pas à lui rendre visite, pas plus que les dirigeants des Émirats arabes unis.
Certains disent que vous avez déclenché cette révolution pour échapper à votre procès. Cela n’a aucun sens. Vous pourriez la faire traîner pendant des années ou la subvertir par des initiatives législatives moins radicales.
D’autres affirment que vous êtes intimidé par les extrémistes – ceux que vous avez renforcés politiquement, et les commentateurs toxiques à la télévision, à la radio et dans les réseaux sociaux, y compris certains très proches de vous.
J’ai entendu dire que certaines personnes qui vous connaissent bien pensent que vous vous êtes convaincu que vous êtes vraiment le roi Bibi, une grande figure nationale historique, plus sage et plus compétente que tous.
Si c’est le cas, votre règne est manifestement loin d’être absolu – vos mains ne sont pas, comme vous l’avez promis dans des interviews post-électorales aux États-Unis, « sur le volant ».

Vous n’aviez pas d’alternative politique à la coalition de droite, d’extrême-droite suprémaciste juive et d’alliés ultra-orthodoxes non sionistes que vous avez réunie. Mais eux non plus.
Et pourtant, vous avez choisi de faire de Bezalel Smotrich la deuxième personne la plus puissante de votre gouvernement, enhardi depuis son perchoir au ministère des Finances et au ministère de la Défense à appeler, il y a deux semaines, l’État d’Israël à « anéantir » la ville palestinienne de Huwara après que deux jeunes frères israéliens y ont été tués lors d’un attentat terroriste. Vous connaissiez les dangers posés par le programme théocratique de Smotrich, ses opinions intolérantes sur les Arabes, son hostilité envers les courants non orthodoxes du judaïsme, et bien d’autres choses encore. Et comme on pouvait s’y attendre, il a suffi de quelques remarques brèves et réfléchies – trois jours après l’attaque terroriste, puis retirées – pour causer des dommages inestimables aux relations fragiles dans la région, aux liens avec les Juifs de la Diaspora, à notre position avec les États-Unis et d’autres alliés internationaux, à l’image qu’Israël a de lui-même et, de manière dévastatrice, à l’unité et à la cohésion de l’armée de notre peuple.
En détruisant l’indépendance, la crédibilité et la capacité de notre propre Haute Cour à enquêter sur les crimes présumés commis par Tsahal, votre réforme du système judiciaire menace déjà de retirer à nos soldats la protection vitale contre les poursuites internationales. Lorsqu’un ministre dominant de votre gouvernement exhorte publiquement l’État à anéantir une ville entière, les pilotes qui risquent régulièrement leur vie pour défendre ce pays sont inévitablement écoeurés à l’idée de recevoir une telle instruction, se réunissent à juste titre pour rappeler au chef de l’armée de l’Air qu’ils n’exécuteront pas des ordres manifestement illégaux et commencent à s’inquiéter profondément de leur rôle dans le bras militaire d’un tel gouvernement. Comme vous avez entendu le chef d’état-major, Herzi Halevi, le déclarer publiquement la semaine dernière : la capacité même de l’armée à fonctionner « dépend de la préservation de Tsahal en tant qu’armée du peuple dans un État juif démocratique ».

C’est pourquoi je vous implore, Monsieur le Premier ministre, de cesser ces sottises fallacieuses sur le renforcement de la démocratie, de cesser de dénigrer les dirigeants de l’opposition et les manifestants en les qualifiant d’anarchistes et pire encore, de cesser l’incitation contre ceux qui expriment leurs préoccupations sincères pour le pays qu’ils aiment – les réservistes, les économistes, les juristes, les universitaires et, bien sûr, les médias. Écartez les extrémistes. Écoutez les voix de ceux en qui vous avez jusqu’à présent eu confiance – vos propres chefs de banque et conseillers juridiques présents et passés, les personnes que vous avez nommées à la tête de nos services de sécurité, les experts judiciaires internationaux et les sionistes du calibre d’Irwin Cotler et d’Alan Dershowitz, Miriam Adelson, pour l’amour du ciel. Arrêtez cette folie.
Ne vous contentez pas d’arrêter l’assaut législatif actuel. Tenez compte du président et abandonnez votre réforme. Et annoncez le lancement d’un processus consultatif sans délai pour la refonte judiciaire. Allez-y à fond : travaillez à l’élaboration d’une Constitution, en vous inspirant au moins partiellement de la Déclaration d’Indépendance.
Oui, votre coalition va se fracturer. Accélérez le processus.
Qui sait ? Benny Gantz et suffisamment d’autres pourraient venir à votre secours. Ou pas.
Mais vous commencerez à inverser les dommages considérables que vous avez infligés à Israël au cours des quelques semaines de votre effroyable coalition, dont 50 (!) ministres et députés ont exigé mardi que le ministre de la Défense libère de leur détention administrative deux résidents d’implantation extrémistes détenus pour leur rôle présumé dans le saccage de Huwara.
Vous pourrez commencer à nous sortir de l’abîme, à sauvegarder cet Israël qui doit tout simplement continuer à remplir sa mission essentielle en tant que patrie nationale des Juifs, en tant que phare démocratique pleinement capable de se défendre, et qui ne peut le faire que dans un climat proche de l’harmonie interne.
Et nous, Juifs, serons toujours un peuple libre à l’occasion de Pessah.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel